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que ce port soit rattaché à Fiume et donné à la Société des nations, tandis qu’il leur paraîtrait naturel de le rattacher à Souchak dont la possession leur est reconnue par le projet. Le Conseil suprême, après avoir pris connaissance de la réponse du Cabinet de Belgrade, a remis le 20 janvier à MM. Pachitch et Trumbitch, les deux premiers délégués Yougo-Slaves, un ultimatum par lequel il leur est signifié que leur gouvernement a quatre jours pour accepter la solution du problème de l’Adriatique. Si le gouvernement yougo-slave n’accepte pas, l’Italie pourra réclamer l’application du traité de Londres, signé en avril 1915 entre le Cabinet de Rome d’une part, et d’autre part la Grande-Bretagne, la France et la Russie. L’Angleterre et la France, en étudiant à la Conférence les solutions possibles du problème adriatique, se sont d’ailleurs toujours déclarées prêtes personnellement à tenir les engagements qu’elles ont pris à Londres vis-à-vis de l’Italie. On pourrait donc croire que si les Yougo-slaves rejettent la solution de M. Lloyd George, il suffirait de revenir au traité de Londres. Mais la situation est plus compliquée. L’exécution du traité de Londres soulèverait de grandes difficultés et pour mentionner tout de suite celle qui toucherait le plus vivement l’Italie, elle ne lui accorderait point le droit d’occuper Fiume. Elle se heurterait surtout aux États-Unis qui n’ont jamais reconnu le traité signé en avril 1915, et qui ne paraissent nullement disposés à le reconnaître. Dès le 22 janvier, une note publiée à Washington par une agence a fait remarquer que l’attitude des États-Unis relativement à la question de l’Adriatique n’a subi aucune modification depuis la déclaration faite par M. Wilson à Paris. Les États-Unis se tiennent à l’exécution des clauses prévues par eux au sujet des revendications yougo-slaves et des aspirations de l’Italie : ils n’ont pas l’intention d’approuver une autre thèse que la leur, et dans le cas où une autre solution prévaudrait, il ne faudrait pas compter sur leur coopération. La décision des États-Unis n’aurait pas seulement une importance limitée au problème en discussion ; l’Amérique hésiterait à s’intéresser aux affaires d’une Europe qui suivrait une politique si différente de la sienne. On comprend que devant cette difficulté, et malgré les différences constatées entre le premier mémorandum rédigé sur la question le 13 décembre et le second rédigé le 14 janvier, les meilleurs amis des Yougo-Slaves ne se soient pas senti le droit de les pousser à la résistance et les aient engagés même à céder à l’ultimatum. Nous saurons bientôt si, après tant de négociations et de projets transactionnels, le problème de l’Adriatique est près d’être réglé ou s’il