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par l’Angleterre comme la clef de l’Inde (nos armoiries le disent encore par leur devise) et comme un autre Gibraltar, mais un Gibraltar français…

En 1781, le bailli de Suffren, et en 1783, le comte de Bussy, avec des troupes composées en grande partie des volontaires des îles de France et de Bourbon, battirent les forces britanniques sur la côte de Coromandel et près de Gondelour, après avoir accompli des prodiges de courage. Ce fut surtout, d’ailleurs, dans cette fin du xviiie siècle, que la mer des Indes devint le the’àtre des plus glorieux exploits de la marine française. À cette époque, dit notre historien Hervé de Banville, l’Île de France fondait ses canons, manufacturait sa poudre, construisait ses navires et envoyait ses enfants au secours de Tippo-Sahib et des révoltés de l’Inde. Son activité maritime et militaire s’épanouissait dans les plus aventureuses expéditions. C’est alors que Duperré, Lhermite, Bouvet (natif de Bourbon), de Sercey, Hamelin, Tréhouart, l’amiral Magon (créole de l’Île de France), Surcouf el tous ses braves compagnons transformèrent le pavillon français en un épouvantail pour les Anglais. Leurs bateaux semaient la terreur sur leur flotte, paralysant partout le commerce, rançonnant les comptoirs de Bombay et du Bengale. Jusqu’en 1810, ce fut l’Île de France qui formait toujours le centre de ces opérations maritimes : les croisières de Bouvet sur l’Entreprenant, en 1807, tiennent particulièrement du prodige…

L’administration du général Decaen, choisi par Napoléon lui-même, comme l’un de ses lieutenants les plus éminents, mit fin aux convulsions de l’époque révolutionnaire, déjà bien calmée par l’habile gouvernement du comte de Malartic. Elle fut remarquable, au point de vue des intérêts de l’Île, devenue tranquille au dedans, tandis qu’au dehors elle se faisait redouter et harcelait la flotte britannique au cours de rudes combats renouvelés sans trêve. Toutefois, le 9 juillet 1810, Bourbon tomba aux mains des Anglais. Le 23 août suivant est la date mémorable du glorieux combat de l’Île de la Passe (ou du grand-port), soutenu victorieusement par l’Île de France bloquée et réduite à ses seules ressources de défense. Grâce au généreux dévouement des Mauriciens, groupés « en une seule confrérie, » sous l’égide de Decaen, l’escadre anglaise fut anéantie. Cet exploit est enregistré sous l’Arc-de-Triomphe de