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nement parce qu’il avait de l’esprit, le général Pelle était du. petit nombre des généraux qui avaient parfaitement compris le pouvoir de la presse. Pendant longtemps, le pays, — avant le régime des permissions, — n’avait rien su de la guerre que par lie communiqué : il avait courageusement accepté l’ignorance. Avec une admirable pudeur, qui fait honneur à leur caractère, à leur profonde honnêteté, à leur absence de charlatanisme, à leur horreur de la réclame, les militaires avaient pris le parti de ne rien publier d’eux-mêmes et de laisser parler les faits. On peut penser aussi que Joffre connaissait de longue date la susceptibilité inquiète du « civil » et ne se souciait pas d’alarmer sa méfiance. De là ce résultat que les premières années de la guerre se passèrent presque mystérieusement, sans que rien s’ébruitât de ce qui se faisait dans les tranchées à vingt lieues de Paris, et qu’on fit, à ce pays traditionnellement amoureux de la gloire, accepter la consigne de l’anonymat et du silence. Ce fut très beau. L’armée, la France se soumirent par discipline. Il y eut pourtantun moment où la muraille de Chine qui séparait le « front » de l’ « arrière » devint impossible à maintenir. L’angoisse soulevée par les nouvelles de Verdun fut trop forte : elle fit éclater la barrière. À mesure que la bataille se prolongeait, se transformait en lutte d’usure, l’importance du moral devenait plus évidente. L’ennemi nous donnait l’exemple et ne négligeait rien pour exalter les siens, impressionner les neutres. C’est Napoléon qui l’a dit : « Tout est opinion à la guerre. » Et il le savait si bien qu’il ne laissait à personne le soin de faire sa presse ; ses bulletins de la Grande-Armée sont les modèles du genre. Le général Pelle s’avisa donc qu’il avait sous la main, à. l’État-major de Verdun, un historien de profession, de famille militaire, préparé par ses études à comprendre une bataille, et le chargea de renseigner le public sur les événements qui passionnaient le monde. Avec le capitaine Henry Bordeaux, accouru dès la première heure d’un état-major voisin, le sous-lieutenant Madelin reçut la mission de raconter les faits et de transmettre au jour le jour l’écho de l’épopée. Tels furent les débuts, à Verdun, de ce qui devait devenir, au bout de quelques mois, la Section d’Information.

Quels services y rendit Madelin, est-ce aux lecteurs de la Revue qu’il faut l’apprendre ? On se souvient assez de cet article retentissant, intitulé l’Aveu allemand, un des premiers