Page:Revue des Deux Mondes - 1919 - tome 54.djvu/483

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

espère atteindre le jour où elle aura la possibilité d’intervenir, de se proposer pour administrer et exploiter la Russie, au besoin avec la collaboration des Alliés et en tout cas avec leurs capitaux. Ce plan est plein de péril pour les Alliés : c’est à eux de s’opposer aux intrigues allemandes, de ne pas tolérer les audaces croissantes des ministres du Reich et de ne plus donner l’impression de la faiblesse et de l’hésitation. Le rêve de Berlin est d’utiliser un jour les forces de la Russie pour échapper au traité de paix : les Alliés ne peuvent plus l’ignorer.

L’attitude des Allemands en Slesvig, à Dantzig et en Haute Silésie fournit un autre exemple de leur bonne volonté. Abusant du temps qui s’écoule sans que le traité soit mis en vigueur, ils entendent faire à leur manière de la propagande dans les pays soumis au plébiscite. Des troupes allemandes occupent le territoire de Flensbourg dans le Slesvig danois, le chancelier du Reich se propose d’y aller en visite, et il se fait précéder par des approvisionnements de toutes sortes, destinés à prouver la puissance et la bonté du régime germanique L’Association des électeurs du Slesvig, qui est l’organisme politique des Danois, s’est empressée de demander au Conseil suprême de faire occuper le plus vite possible par des troupes alliées les régions soumises au plébiscite, c’est-à-dire de les débarrasser des troupes allemandes, comme le veut le traité de paix. A Dantzig, le jeu est analogue. En attendant que la Ligue des Nations s’occupe de la ville, les Allemands espèrent l’administrer. Ils fondent des banques, achètent des immeubles, s’emparent des terrains de telle sorte que le grand port qui doit servir au commerce polonais soit économiquement envahi par des organismes allemands. Les biens de l’État allemand se trouvant à Dantzig disparaissent d’autre part avec une surprenante rapidité. Comme d’après le traité, ils doivent être répartis par la Ligue des Nations entre la Pologne et la ville libre de Dantzig, les Allemands se hâtent de les vendre. En Haute-Silésie enfin, l’Allemagne s’occupe d’organiser sous prétexte de faire la police de véritables corps d’occupation, composés d’hommes hostiles aux Polonais et destinés à préparer le plébiscite sous la pression allemande. Elle avait imaginé de faire le 9 novembre des élections municipales sous sa direction et les Alliés ont dû s’y opposer. Comme en outre elle a des soldats dans la région et que les troupes plus ou moins cachées dans les pays baltes ne sont pas éloignées, on peut se faire une idée de ses dispositions à l’égard de la Pologne. Il est temps d’en finir avec