Page:Revue des Deux Mondes - 1919 - tome 54.djvu/242

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

notes, ils viennent de décider qu’ils enverraient le général Mangin. Ce n’est pas la même chose et c’est beaucoup mieux. L’illustre soldat qui a joué un rôle si important dans la bataille de 1918 et qui a occupé la rive gauche du Rhin sous le régime de l’armistice devra tenir en Courlande un rôle qui est à la mesure de son activité. Chef de la mission interalliée, il aura la charge de vérifier si le gouvernement allemand tient ses promesses, de contrôler le départ des troupes allemandes et d’administrer les territoires. S’il a les moyens d’agir, on peut être assuré que sa présence dans ces régions où les Allemands s’attardent obstinément, fera plus pour hâter leur départ que toutes les mesures économiques. La manifestation de la force est la seule manière de convaincre les Allemands, et les Alliés sont d’autant plus en droit d’y recourir qu’il s’agit de faire respecter une des clauses de l’armistice dont von der Goltz se moquait avec outrecuidance.

Pendant ce temps les patriotes russes font de grands efforts pour battre les troupes bolchevistes. Si les Allemands ont pu conquérir à leur cause quelques chefs dans les provinces balliques comme en Ukraine, c’est un phénomène inévitable dans l’état de désorganisation où est la Russie et durant une de ces périodes troubles où il ne manque jamais de chefs ni de bandes pour varier les combinaisons et changer de parti. Mais dans l’ensemble l’action des patriotes russes est continue et semble même mieux coordonnée. Koltchak à l’Est, Denikine au Sud, Youdenitch au Nord ont lutté avec des fortunes diverses, autant que l’état de leurs troupes et de leurs approvisionnements le leur permettaient. Les bolchevistes ont l’avantage d’occuper la position centrale, ils en profitent pour s’opposer successivement à l’adversaire qui les presse le plus, le mettre en mauvaise posture, et se porter contre un autre. En cd moment, c’est le général Youdenitch qui paraît faire les progrès les plus rapides. Des télégrammes non confirmés, et dont il est impossible de déterminer l’origine et la valeur, ont même annoncé qu’il avait pris Pétrograde. La nouvelle à peine lancée a été démentie pour être de nouveau mise en circulation. A l’heure où ces lignes sont écrites, elle n’est pas certaine encore, mais elle n’est pas invraisemblable. L’armée Youdenitch a pris Ligova sur la ligne de Peterhof et s’est avancée à quelques kilomètres de Pétrograde : elle a pu s’emparer de l’embranchement du chemin de fer aboutissant aux usines Poutiloff. Si ces faits sont exacts, ils ne suffiront pas à indiquer que la chute des bolchevistes est toute prochaine, d’autant plus que l’armée rouge a déjà projeté une fois