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pardonner en considérant qu’une esquisse, fût-elle peinte par Rubens ou Van Dyck, ne saurait prétendre qu’à exprimer l’âme du modèle, son caractère, et non ses exactes mensurations suivant les trois dimensions. Quant aux autres lecteurs, ceux qui ont scruté déjà ces nouveaux chapitres que la physique vient d’ouvrir dans la connaissance du monde, je les supplie de ne point lire ces pages qui ne sont point faites pour eux ; d’autant que, pour la clarté de mon exposé, je serai obligé de rappeler certaines notions dès longtemps classiques. Il est vrai que, parmi les notions classiques, il en est bien peu qui aient résisté aux terribles secousses destructives de la radio, activité et des nouveaux rayonnements électriques. Il ne sera pas mauvais de faire l’honneur d’une réminiscence à ces rares survivantes.

La substance des corps les plus simples, des corps minéraux, est-elle divisible à l’infini, ou bien y a-t-il à sa divisibilité une limite provenant, non de l’imperfection de nos moyens, mais de la nature même de cette substance ? Autrement dit, la matière est-elle discontinue et granulaire ou continue ? La question est posée depuis qu’il y a des philosophes et qui raisonnent… ou du moins s’y efforcent. C’est dire que déjà les Grecs en disputaient.

Dès le ve siècle avant J.-C, Leucippe et Démocrite professaient que la matière est faite d’atomes (étymologiquement cela veut dire insécables) indivisibles et indestructibles. En outre, partant de ce postulat philosophique, — considéré par eux comme un axiome, — que l’Être (tout ce qui existe) n’est concevable que comme rigoureusement simple, c’est-à-dire d’une essence unique, ils en concluaient que tous les atomes de tous les corps sont formés d’une même substance fondamentale, l’hétérogénéité apparente des divers objets sensibles ne résultant que d’un arrangement différent des atomes entre eux. Sur ce dernier point la chimie du xixe siècle, la chimie de Lavoisier avait paru donner tort aux atomistes grecs et établir l’irréductibilité, la différenciation essentielle, l’hétérogénéité (ces mots sont barbares et peu clairs, et c’est pourquoi je les accumule, les faibles clartés de chacun d’eux devant, il me semble, s’additionner), la spécificité des divers corps simples connus.

Nous verrons plus tard comment, par un retour offensif tout à fait imprévu naguère, — et qui eût par exemple bien étonné Dumas ou même Berthelot, — les découvertes récentes de la physique semblent