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après sa signature : d’autre part, la Grande-Bretagne l’a ratifié il y a plus d’un mois ; la Chambre des Députés française vient de le ratifier à son tour, et le Sénat en aura vite fait autant. Ratifié par l’Italie dans une forme que la Constitution autorise, il sera parfait ; il portera les trois estampilles nécessaires, et il aura pris toute sa force exécutoire, tandis que le Sénat des États-Unis, dont le vote est de moins en moins douteux, achèvera de délibérer.

Chez nous, le texte du 28 juin a été utilement éclairé par les travaux des commissions et les débats parlementaires, si longs que notre impatience ait été tentée de les juger ; efficacement complété par les motions de M. Vincent Auriol sur les garanties financières et de M. André Lefèvre sur les précautions à prendre pour le désarmement réel de l’Allemagne. À cet égard, trop de signes avertissent qu’il n’est que temps d’aviser. Nous ne pouvons assister impassibles, quittes à en payer les frais, au « camouflage » militaire, auquel préside Noske avec toute la méthode d’un vieux feldwebel prussien. Si même l’armée que Von der Goltz s’obstine à maintenir dans les pays baltes, et que les ministres du Reich se déclarent impuissants à faire obéir, n’était pas destinée à fournir quelque jour des cadres aux masses russes organisées et dressées à l’allemande, si même elle ne devait peser dans le monde que son seul poids, il resterait que ce poids ne serait point négligeable, puisque, de 40 000 hommes, elle est passée, en peu de temps, à plus de 100 000.

Tout un ensemble d’observations et d’informations fait que la sagesse commandait de voter la ratification du Traité, si faibles ou si médiocres qu’en soient certaines parties, afin de pouvoir, au plus tôt et au plus sûr, en tirer le meilleur parti. Quant à rouvrir, sous prétexte d’oublis ou d’imperfections, une négociation avec l’Allemagne, ce n’en est plus l’heure. On ne négocie que dans le plein de sa force. Nous n’en dirons pas davantage ; mais nous voudrions bien faire entendre de qui de droit, de qui peut, même ce que nous ne voulons pas dire.

Charles Benoist.


Le Directeur-Gérant :
René Doumic.