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avant l’intervention de l’Italie dans la guerre, avait-elle réglé la question de Fiume ? Cette convention porte, si la version que nous en avons sous les yeux est exacte (on se rappelle que, bien que secrète, elle a été publiée, par la New-Europe du 17 janvier 1918, et répandue par les soins du Comité yougo-slave), note 2, à la suite de l’article V : « Les districts adriatiques suivants seront, par la coopération des Puissances de l’Enrente, incorporés au territoire de la Croatie, Serbie, Monténégro : — Dans le Nord de l’Adriatique, toute la côte depuis le golfe de Volosca, près de la frontière italienne, jusqu’à la frontière septentrionale de la Dalmatie, comprenant toute la côte appartenant aujourd’hui à la Hongrie ; toute la côte croate, le port de Fiume et les petits ports de Novi et Carlopago, de même que les îles de Veglia, Pervicio (Pervicchio), Gregorio, Kali (Goli) et Arbe. »

Il n’y a pas d’équivoque possible : aux termes de cette note, tant que tenait la Convention du 26 avril 1915, l’Italie ne pouvait, ayant consenti, contester « au territoire de la Croatie, Serbie, Monténégro » la possession du « port de Fiume. » Tout au plus était-il permis, avec beaucoup de subtilité, de jouer sur ce mot : « le port » et de distinguer entre « le port » et « la ville. » En revanche, par l’article IV, l’Italie devait recevoir « la ville de Trieste et ses environs, le comté de Göritz et Gradisca, toute l’Istrie jusqu’au Quarnero, Volosca compris, avec les îles istriennes, Cherso et Lussin, de même que les petites îles de Plavnik, Unia (Unie), Camidoli (Canidole). Palazzuola (Palazzuoli), San Pietro Nerovio, Asinelle et Gruica, avec les îlots avoisinants. »

Mais le président Wilson est venu. Il a répudié toute convention secrète, proclamé qu’il n’en reconnaissait aucune, et que celle-là particulièrement, il ne la reconnaissait pas, ne l’ayant jamais connue ; qu’elle n’était qu’un arrangement entre quatre des grandes Puissances, la France, la Grande-Bretagne, la Russie et l’Italie ; mais que les États-Unis n’y avaient pas été partie, qu’elle ne leur avait pas été communiquée à leur entrée dans l’association, et qu’en conséquence elle ne les obligeait pas. Néanmoins, la France, la Grande-Bretagne, la Russie (s’il y en eût eu encore une) et l’Italie auraient pu, elles, continuer de se tenir pour obligées par leurs signatures, mais à la condition qu’il n’y fût rien changé, pas un point, pas une virgule, ni pour y ajouter, ni pour en retrancher. Il semble que ce soit l’attitude que M. Sonnino avait d’abord adoptée, qu’il eût préféré conserver : se présenter avec son titre, et en réclamer l’exécution pure et simple. Fiume n’y était pas, et même elle en était formellement exclue, mais