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foyer de sa propagande. Lo chancelier répondit que « c’est à Berlin qu’il était le plus inoffensif : on pouvait l’y tenir à l’œil. Par malheur, ajoute Ludendorff, cet œil n’y voyait pas. » Du reste, je ne me flatte pas de débrouiller cet imbroglio bolcheviste, qui demeurera sans doute une des plus lamentables comédies de l’histoire. L’avenir ne pourra se tenir de stupéfaction devant l’avènement de ce monstre, environné à son berceau de tous les sourires du monde, qui s’en disputait les bonnes grâces.

Quoi qu’il en soit, il n’est pas douteux que le bolchevisme sauva l’Allemagne en 1917, avant d’achever sa perte en 1918. Il permit à Ludendorff de retirer de Russie 55 divisions et tout ce qui valait quelque chose dans le reste. Il ne laissait à l’Est qu’un cordon sanitaire, qui servait en même temps de police et de garde-magasin ; car il faut vivre. Désormais Ludendorff disposait, sur le front occidental, de la supériorité du nombre, avec 207 divisions contre 160 de troupes françaises, belges et britanniques. C’était de quoi gagner la guerre avant l’entrée en scène des troupes américaines ; du reste, la guerre sous-marine à outrance se chargeait de les empêcher d’arriver en Europe, ou bien, si elles y parvenaient, de les condamner à y périr de faim ; L’Autriche avait fait savoir qu’elle ne pourrait tenir au delà de l’automne. Ludendorff avait plus de six mois pour faire son affaire. En mettant les choses au pis, c’était plus qu’il ne lui fallait pour en finir.

Ce récit de la dernière campagne occupe deux cents pages de l’ouvrage. On ne peut s’empêcher de les lire comme un roman. Pour le lecteur qui suit dans la Revue les magnifiques récits de M. Louis Madelin, la contre-partie de cette histoire, — écrite par Ludendorff, — est une inestimable aubaine. Comme, l’année précédente, le quartier-maître général avait refondu son armée et remanié la tactique en vue de la guerre défensive ; de même, il employa l’automne et l’hiver qui précédèrent l’attaque à monter dans le détail sa machine offensive.

Les soixante pages qu’il consacre à cette préparation comptent parmi les plus fortes du livre. Rien n’est plus curieux ensuite que l’enchaînement des trois « actes » de l’énorme bataille, — celle de mars-avril, celle du 27 mai au 10 juin, et celle qui allait commencer le 15 juillet. On y prend