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son pays natal et obtenait par sa place une influence qui pouvait tôt ou tard devenir funeste à la tranquillité du département. » Ils dénonçaient Malet et le général Muller comme « constamment entourés par les ennemis du gouvernement et ne laissant échapper aucune occasion de le décrier... Malet, disaient-ils, s’appesantissait sans cesse sur la misère des troupes qui devait, selon lui, exciter l’indignation contre le gouvernement ; il se plaignait amèrement du costume accordé par le Directoire aux États-majors et s’écriait d’un ton hypocrite : « Qu’on paye les invalides au lieu de nous chamarrer d’or. » Ses propos, ses choix, ses fréquentations étaient d’un « anarchisme notoire. » Et, concluaient les députés, « il appartient au Directoire dans sa sagesse d’apprécier ces différents traits. » Attaqué par les représentants du Jura, et par les administrateurs du département du Doubs qui se montraient plus vifs encore, Malet obtenait un certificat de civisme de la municipalité de Besançon, laquelle attestait que, dans un temps où cette commune était en proie à des agitations causées par les partisans des rois, « sa conduite avait été la plus irréprochable et qu’elle lui avait mérité l’estime et la confiance des autorités patriotes et de tous les vrais républicains. »

Le ministre, ne sachant auxquels entendre de ces patriotes exclusifs, avait d’abord décidé d’envoyer Malet à Strasbourg . : sous un prétexte de santé, Malet esquiva le départ. Sur l’insistance des députés, on l’affecta, ainsi que Muller, à la division de Grenoble. Il ne partit point. Il fallut une menace de destitution pour que, après quatre mois de résistance, du début de frimaire (novembre 1798) au 19 ventôse an VII (9 mars 1799) les deux officiers se décidassent à rejoindre leur poste.

Malet ne devait point y rester longtemps. On a essayé ailleurs de rechercher quelles combinaisons parlementaires avaient amené le coup d’État du 30 prairial. Bernadette, beau-frère de Joseph Bonaparte et ami intime de Lucien, fut ministre de la Guerre. Il s’empressa de prendre pour secrétaire-général Alexandre Rousselin qui, dès sa prime jeunesse, avait joué, durant la Terreur, un rôle retentissant dans le département de l’Aube et qui, depuis lors, sans fonctions apparentes, exerçait une influence considérable sur le gouvernement et sur la société républicaine. Rousselin était très lié avec le général Championnet, dont plus tard il écrivit l’histoire. Championnet,