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pour la Grande-Bretagne. Pour la France, ce sera fait d’ici à la fin du mois. Selon leur disposition, les uns sourient et les autres se scandalisent de ce que les Commissions chargées d’examiner le traité tiennent séance sur séance elle retournent sous tous ses aspects. « A quoi bon ? se demande-t-on, puisqu’elles n’y peuvent rien changer. » Il est vrai, ni elles ni les Chambres ne peuvent que l’adopter ou le repousser en bloc. Mais jamais travail parlementaire, s’il est mené à bien, dans l’esprit qu’il faut, n’aura été moins vain, car jamais traité n’aura autant valu par son application. Nous l’avons dit dès la première lecture : c’est une paix forte, dont la faiblesse est dans les clauses destinées à la faire exécuter ; c’est une paix à conditions rigoureuses, avec des garanties insuffisantes. La rédaction n’en est pas toujours très claire ; pensé et écrit en deux langues, le Traité s’exprime parfois en un style incertain. Il y a des lacunes, il y a des obscurités. Pour éclairer celles-ci et combler celles-là, il était bon d’allumer une lanterne et d’apporter des matériaux. En l’étudiant de près, en le critiquant, au bon sens du mot, on peut faire voir à ses auteurs eux-mêmes ce qu’il importe qu’ils y voient, et qu’ils y avaient mis, fort heureusement, mais qui se cachait un peu.

Qu’il soit d’une plasticité extrême, avec tous ses délais et toutes ses Commissions de délimitation, de gouvernement, de contrôle, avec ses indemnités qui ne seront fixées qu’en 1921, payées que beaucoup plus tard, avec ses réparations en argent, en marchandises, en nature, qu’il demeure comme inachevé et comme dentelé de pierres d’attente, nous l’avons dit et nous le répétons. Et nous répétons que c’est à la fois un de ses défauts et une de ses qualités : défaut, si on le prend pour une lettre morte ; qualité, si l’on en profite pour y insuffler de la vie. Point n’est besoin de sortir de ses termes ni de les forcer ; il n’est que d’empêcher de se perdre et d’en exprimer tout ce qu’il contient. La preuve qu’il est plastique et qu’il vaudra ce que vaudra son exécution, c’est que déjà, un mois à peine après qu’il est signé, on se propose de le modifier ; mais il est dommage que les modifications auxquelles on pense soient encore des adoucissements, et des adoucissements aux clauses d’exécution, qui, telles qu’elles étaient et sans qu’on y touchât, n’étaient que trop faibles. Le raisonnement qu’on s’est défendu de faire pour la Russie, inversement on l’a fait pour l’Allemagne. Si l’on veut que l’Allemagne paie, il faut qu’elle soit riche ; pour qu’elle soit riche, il faut qu’elle reprenne son commerce ; pour qu’elle le reprenne, il faut qu’elle rentre dans la Société des Nations, d’où on l’avait exclue pour ses crimes. On l’avait mise