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d’agression, de menace ou de danger d’agression, le Conseil avise aux moyens d’assurer l’exécution de cette obligation. » Et, le premier paragraphe de l’article 11 renforçant l’article 10 : « Il est expressément déclaré que toute guerre ou menace de guerre, qu’elle affecte directement ou non l’un des membres de la Société, intéresse la Société tout entière, et que celle-ci doit prendre les mesures propres à sauvegarder efficacement la paix des nations… » Les sévères gardiens de la tradition pure se désolaient d’y voir un manquement aux principes, et comme un accroc non seulement à la « doctrine » de Monroe, mais au testament de Washington.

Quoi donc ! À la moindre menace de guerre, qui ne les affecterait même pas directement, comme membres de la Société blessée dans un autre de ses membres, non pas même en cas d’agression déclarée et effectuée, mais dès la première menace ou le premier danger d’agression, les États-Unis seraient engagés, non seulement à respecter, — ce qui est aisé pour qui n’est pas l’agresseur, — mais à maintenir, — ce qui peut être la guerre, — « l’intégrité territoriale présente » de tous les membres de la Société. Comme suite à cet engagement, la Confédération pouvait être à toute heure exposée à faire franchir l’Océan par des millions d’hommes, au mépris des sages conseils de Monroe, qui, en lui réservant tout un continent, pensait avoir ouvert un assez vaste champ à son activité, et, par corollaire, lui avait fermé tous les autres ; au mépris aussi des recommandations du fondateur de la République américaine, qui avait averti ses successeurs dans les temps à venir de se garder des alliances, susceptibles d’entraîner en des aventures. Même durant la paix, pour être assuré de pouvoir, à une échéance toujours incertaine, faire honneur à sa parole, il allait falloir entretenir une armée permanente, détourner des occupations fécondes tant de bras qui pourraient être employés avec plus de profit, et, conséquence plus grave, transformer moralement la nation. Ainsi s’achèverait dans le militarisme cette croisade pour l’idéal.

Avec le grossissement que mettent les partis dans tout ce qu’ils touchent, tels étaient les reproches que les adversaires du Président Wilson adressaient à son œuvre. Au reste, si le Pacte de la Société des Nations engage les États-Unis, comme membres de la Société, envers tout autre membre, victime soit d’une agression, soit même d’une simple menace, pourquoi cet accord particulier avec la France, cette garantie spéciale qui lui était donnée, de concert avec la Grande-Bretagne, par traité séparé, signé, lui aussi, à Versailles, le même