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agir au nom de chacun d’eux. S’ils l’ont été, la vérification des pouvoirs l’a montré, mais, sinon, il ne suffit pas de l’avoir écrit pour leur avoir conféré valablement un pouvoir qu’ils n’avaient pas reçu. Il est à remarquer, en outre, que, comme le mandat est incertain, le mandant lui-même reste vague. Tous les autres délégués représentent une personne nommée et définie, un chef d’État, souverain ou président de République : « le Président des États-Unis d’Amérique ; Sa Majesté le roi du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande et des territoires Britanniques au delà des mers, empereur des Indes ; le Président de la République française, » etc. vingt-sept sur vingt-huit. Pour une seule Puissance contractante, aucune forme de gouvernement n’est désignée, aucune personne revêtue d’une autorité définie n’est nommée ; on n’a pas osé dire : « le Président de la République allemande ; » il est dit de la façon la plus indéterminée : « l’Allemagne. » Si nous le notons, ce n’est pas scrupule de pure forme, et l’on va voir immédiatement pourquoi.

« L’Allemagne » consent, par le traité du 28 juin, plusieurs cessions territoriales. Mais, des territoires cédés, il n’y en a qu’un qui fût terre d’Empire, — Reichsland, — l’Alsace-Lorraine. Tous les autres étaient rattachés à des États particuliers ; le Moresnet prussien et les cercles d’Eupen et de Malmédy, cédés à la Belgique ; les parties de la Haute-Silésie, de la Posnanie, de la Prusse occidentale et de la Prusse orientale, du Slesvig, cédées, avec ou sans condition de plébiscite, à laTchéco-Slovaquie, à la Pologne, aux Principales Puissances alliées et associées (région de Memel), à la ville libre de Dantzig, au Danemark, appartenaient, non en commun à l’Allemagne, mais en propre à la Prusse. Laissons de côté le bassin de la Sarre, pour lequel on pourrait objecter qu’il n’y a pas cession actuelle, mais simplement cession éventuelle, à terme, dans quinze ans, — encore qu’il y ait transfert, à la Commission investie par la Société des Nations, des « pouvoirs de gouvernement appartenant antérieurement à l’Empire allemand, à la Prusse, et à la Bavière » (paragraphe 19 de l’annexe.) — Le bassin de la Sarre relevait tout ensemble de la Prusse, à cause de la Prusse rhénane, et de la Bavière, à cause du Palatinat bavarois. De plus, il y avait quelques enclaves badoises sur la rive gauche du Rhin, en Alsace même. Tout cela était à la Prusse, à la Bavière, au grand-duché de Bade ; rien de cela n’était à l’Empire allemand ; tout cela était « en Allemagne ; » rien de cela n’était « à l’Allemagne. »

Un précepte de droit bien établi, c’est que « nul ne peut céder ce qui ne lui appartient pas. » Assurément on finirait par découvrir