Page:Revue des Deux Mondes - 1919 - tome 52.djvu/721

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

traditionnelle ; celle de tous les siècles et de tous les régimes : point d’Allemagne, des Allemagnes. C’était la politique des garanties, avec cette garantie suprême : on ne pourrait plus être assailli par une Allemagne qui n’existerait plus qu’à l’état d’Allemagnes rompues et dispersées. Et puis il s’est dessiné, dans la Conférence, une autre politique, que nous ne savons au juste comment nommer, et qui était essentiellement la politique des réparations. On a dit à nos délégués : « Il vous importe, si vous voulez relever vos ruines, qu’il y ait une Allemagne riche, qui ne peut être qu’une Allemagne unie. Ce sera évidemment une Allemagne forte, mais contre elle, dans l’hypothèse où ce serait encore une Allemagne agressive, nous vous offrons notre alliance durable et vous promettons notre appui. Pour n’être pas une garantie militaire, inscrite sur la carte et sur le terrain, ce n’en est pas moins une garantie solide. » Nous imaginons volontiers que nos plénipotentiaires auraient préféré les deux sûretés, qui valaient mieux qu’une : mais, amicalement, on les a mis en demeure d’opter. Ainsi ont-ils été amenés à renoncer à la frontière de 1814, c’est-à-dire à la restitution de Landau et de Sarrelouis en toute souveraineté, à la frontière militaire du Rhin, c’est-à-dire à l’occupation permanente des têtes de pont sur la rive droite ; et ainsi conduits à traiter avec « l’Allemagne, d’autre part. » Mais, en acceptant, il y avait un minimum de précautions à observer. Nous craignons qu’on n’en ait un peu négligé une, et nous hésiterions à signaler ce péril virtuel du traité, si la presse française et la presse allemande n’y avaient également fait allusion, et si, par-dessus tout, ce devait être une vaine critique parce qu’il ne serait plus temps d’y parer. Heureusement, la diplomatie la plus classique elle-même ne se croit pas si infaillible qu’elle ne se soit ménagé des moyens d’effacer ses erreurs, et jusque dans ce traité, qui devait inaugurer un nouveau style, abondent les annexes, les arrangements et protocoles additionnels. On se tirerait de tout embarras pour l’avenir en en prévoyant un de plus.

Partant de ce principe que l’Allemagne était et demeurerait une, on a admis les représentants du Reich fédératif à stipuler au nom de tous les États confédérés, et on l’a dit expressément : « Agissant au nom de l’Empire allemand et au nom de tous les États qui le composent et de chacun d’eux en particulier. » Par là, on a cru se couvrir contre toute surprise et contestation ; et l’on se serait couvert, en effet, si les six plénipotentiaires allemands, dont trois étaient des ministres d’Empire, avaient été habilités par les États confédérés à