Page:Revue des Deux Mondes - 1919 - tome 52.djvu/698

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

toute ouverture accidentelle de l’enveloppe, par les joints nombreux et forcément imparfaits et aussi par simple diffusion à travers les parois de l’enveloppe (on sait que la diffusion des gaz est d’autant plus intense qu’ils sont plus légers) s’échappe toujours plus ou moins du ballon et forme avec l’air ambiant un mélange détonant. La présence des moteurs dans les dirigeables y rend ce danger encore plus grand que dans les ballons ordinaires : mais ceux-ci ne sont pas non plus à l’abri de ces risques, soit par suite d’une imprudence, soit simplement par suite des effluves et décharges électriques de l’atmosphère. Les accidents ainsi causés ne se comptent plus. L’emploi des balles explosives et incendiaires et des fusées et projectiles spéciaux contre aéronefs a naturellement pendant la guerre multiplié ces risques.

Afin d’y remédier, les techniciens militaires et navals des États-Unis ont étudié le moyen de rendre les ballons ininflammables. Ce moyen venait d’être mis au point et allait être appliqué à la construction de dirigeables d’un type tout nouveau destinés à bombarder Berlin, lorsque l’armistice fut signé. Il n’y a plus d’inconvénient à parler de cette invention longtemps tenue secrète.

Elle consiste à gonfler les ballons non plus avec de l’hydrogène mais avec de l’hélium. Celui-ci est, après l’hydrogène (qui pèse à la même pression environ 15 fois moins que l’air) le plus léger des gaz connus ; bien que deux fois plus lourd que l’hydrogène il est près de huit fois plus léger que l’air. C’est dire que sa force ascensionnelle est considérable. Il n’est pas inflammable et son mélange à l’air atmosphérique n’est aucunement détonant. Si on n’avait jamais songé à employer l’hélium au gonflement des ballons c’est qu’il était un gaz très rare. Découvert d’abord dans le soleil (de là son nom) au moyen de l’analyse spectrale par l’illustre astronome anglais sir Norman Lockyer, il ne fut trouvé que bien plus tard, vers la fin du xixe siècle, sur la terre et en particulier dans le gaz de certaines sources thermales et dans certains minéraux. Il existe aussi dans l’air, mais en quantité infinitésimale (un peu plus d’un millionième du volume).

Les inventions des techniciens anglais et américains ont consisté précisément à découvrir, en Amérique surtout, des sources nouvelles de ce gaz et à l’en extraire à grand rendement par des procédés industriels et économiques. En particulier on a trouvé dans le Texas un puits débitant 7 000 000 mètres cubes par jour d’un gaz qui contient environ 1 pour 100 d’hélium. La séparation de l’hélium se fait par la liquéfaction de l’air dont on sépare ensuite les constituants par distillation fractionnée. Les Américains ont construit