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peut-être de nouvelles péripéties l’histoire aux airs de roman d’aventure, la belle histoire fabuleuse des Demoiselles au pompon rouge. S’il ne se trouva pas plus de volontaires pour s’enrôler immédiatement dans la nouvelle formation constituée à midi, le 20 novembre, et envoyée tout de suite au repos à Liffenkoke, c’est que la tentation était trop forte et que la plupart des fusiliers croyaient encore « dur comme fer » à la légende du grand « balthazar » parisien, de la double paie et du mois de permission extraordinaire. Mais combien d’autres, comme l’admirable premier maître Monguérard, insensibles à ces séductions, prirent leur parti sur-le-champ et crièrent avec lui : « J’y suis, j’y reste ! »

« Oui, je reste, je dois rester. Le moment est suprême, car, demain nous pouvons recevoir l’ordre de monter à l’abordage… Je pourrais aller me reposer quelques jours parmi les miens que je n’ai pas vus voilà bientôt vingt mois… J’irai plus tard, quand j’aurai mis tous mes hommes à la hauteur de leur tâche, quand gradés et marins seront familiarisés avec tout ce qu’ils ont à faire… Au-dessus de la famille, il y a la France. »

Mais ce grand cœur, qui laissait passer volontairement son tour de permission et prenait pour lui tous les dangers et les fatigues, devançait par la pensée ses jeunes compagnons sur la route de la capitale et pressait son correspondant[1] de ne rien négliger pour leur faire une réception digne de Paris et d’eux-mêmes.

Paris, à coup sûr, n’eût pas demandé mieux. Mais il y fallait l’assentiment des pouvoirs publics. Commencée le 21 novembre, la dislocation de la brigade devait se poursuivre « tous les trois jours en commençant par le deuxième régiment. » Ce fut le bataillon Martel (2e du 2e régiment) qui ouvrit le ban. « À six heures quinze, ce matin, écrit le commandant Mauros, le bataillon Martel a été rassemblé au camp Jeanniot. On lui a lu une lettre du général Hély d’Oissel, puis, à la croisée des routes de Saint-lldebald, il a défilé devant le drapeau, faisant route sur Adinkerke, où il s’est embarqué pour Paris. »

L’officier supérieur dont le bataillon prenait ainsi congé le premier du front de Belgique ne se doutait pas qu’il serait replacé quelque trois ans plus tard à la tête du détachement

  1. M. Georges Jullien, l’un des plus fldèles et des plus chauds amis de la brigade, puis du bataillon des fusiliers marins, auquel il offrit ses superbes fanions.