Page:Revue des Deux Mondes - 1919 - tome 52.djvu/631

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

débouché de l’Union pour battre nos tranchées avancées. Pellen se trouvait dans le boyau, à 10 mètres du poste d’écoute aux trois quarts démoli et dont les sacs s’étaient écroulés sur leur garnison. On lui dit : « Il y a des blessés là-bas qui crient. Faut-il y aller ? — Non, répond-il, je suis chef de section. C’est à moi d’y aller. », Et il tombe mortellement frappé en travaillant à dcgiiger les hommes ensevelis sous les sacs. L’un de ces hommes était le quartier-maître Le Cam. Fortement contusionné, on l’invitait à se joindre aux autres blessés qu’on ramenait vers nos lignes :

— Et qui gardera le poste d’écoute ? demanda Le Cam.

Tel était, jusqu’au bout, le moral de ces hommes, leur sentiment profond du devoir. Aussi, après avoir accueilli avec des transports de joie la nouvelle de leur départ de Belgique, commençaient-ils à ne plus lui trouver la même douceur. Une nostalgie pareille à celle qui les avait pénétrés à leur départ de Dixmude se faisait jour en bien des âmes : « C’est donc fini, la brigade ? » Tant d’héroïsme, de sacrifices ignorés ou glorieux, tant de misère vaillamment supportée en commun dans l’espoir d’une revanche prochaine et toujours renvoyée aux calendes, tout cela n’allait plus être que du passé. La guerre continuerait sans les fusiliers. Peut-être même un jour ne saurait-on plus qu’il y avait eu une brigade navale. Jusque-là en effet, exception faite de la compagnie des pontonniers qui devait demeurer sur l’Yser, sous le commandement du lieutenant de vaisseau Pelle-Desforges, aucune dérogation n’avait été envisagée à l’égard de la brigade dont la dislocation était officiellement annoncée pour le dimanche 21 novembre. On apprit tout à coup que le ministre de la Marine était revenu sur sa décision, peut-être à l’instigation du général Hély d’Oissel, et qu’en plus de la compagnie des pontonniers, un bataillon de fusiliers formé en prélevant 114 hommes par bataillon, la compagnie de pionniers et 8 sections de mitrailleuses, seraient conservés au front de Belgique sous le commandement du capitaine de frégate Lagrenée.

Ce fut un soulagement pour tous. Ainsi quelque chose de la brigade, une parcelle vivante d’elle-même, demeurerait pour garder le drapeau et pour assurer par sa présence la mémoire de l’héroïque collaboration prêtée par la marine aux troupes de terre. Elle prolongerait même cette collaboration et enrichirait