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mun des hommes, las d’une stagnation dont personne ne voyait plus la fin, avides d’un changement, quel qu’il fût, ne montraient d’impatience qu’au sujet de la date fixée pour la dislocation : « Il y a assez longtemps que la brigade monte le quart sur l’Yser, écrit le 13 novembre le fusilier Guillou. Il paraît qu’on nous relève, mais quand ? « — « Nous attendons toujours le départ, écrit de son côté Luc Platt. On s’agite, on parle, on discute, mais on ne sait rien. » On le saura bientôt et, en attendant, les rumeurs les plus invraisemblables circulent dans les tranchées : le gouvernement prépare de grandes fêtes à Paris pour recevoir la brigade ; une permission exceptionnelle d’un mois sera « octroyée » par le général Joffre à tous les fusiliers, qui toucheront en outre la double paie, etc., etc.

Dans l’évocation de ces paradis illusoires, le retour du 10 novembre, premier « anniversaire de Dixmude, » passa presque inaperçu, sauf des rares survivants de cette journée tragique qui assistèrent aux services commémoratifs célébrés dans l’église de Coxyde par le vicaire de la localité et dans la chapelle souterraine de Nieuport par l’abbé Andrieux, aumônier du 2e régiment[1]. Le canon, pendant la cérémonie, tonnait sinistrement du côté de la Geleide, puis sur Nieuport et les Cinq-Ponts, au point que l’alerte fut donnée et qu’on crut que les Boches voulaient célébrer aussi à leur manière l’anniversaire de leur coûteuse victoire. Ils recommençaient le lendemain de bonne heure, avec leur gros calibre et sur un objectif plus limité, qui était cette tour massive des Templiers dont on pensait qu’aucune artillerie ne serait venue à bout. Et, cette fois encore, bien que le tir fût « remarquablement bien pointé » et qu’il tombât un obus toutes les deux minutes, ils « ne réussirent qu’à écorner le coin N. E. » de la tour. Nous fîmes quelques pertes ce jour-là, et les suivants : l’enseigne Briend, de la compagnie Michel, blessé par un éclat d’obus, le 11 novembre, et le premier maître fusilier Pellen, tué à Saint-Georges-Nord, le 18, par un de ces 51 allemands montés sur auto qui, de temps à autre, la nuit, traversaient l’Yser et se portaient au

  1. « 1er novembre. Demandé au vicaire de Coxyde de dire une messe le 10 pour l’anniversaire du combat de Dixmude à la mémoire des morts de mon bataillon. — 10 novembre. C’est aujourd’hui l’anniversaire de Dixmude. J’ai fait dire la messe à Coxyde pour les mors de mon ancien bataillon et j’ai assisté à la messe de notre aumônier, l’abbé Andrieux, dans la chapelle de Nieuport. » (Commandant Mauros.)