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heures » une troupe voisine dont on faisait la relève. L’expérience réussissant, il se flattait de déclencher une attaque facile et de pouvoir occuper, l’arme à la bretelle, nos tranchées désorganisées et muettes. Et peu s’en fallut, en effet, que les choses ne se passassent comme il l’avait rêvé.


ix. — le torpillage du mamelon-vert

L’ennemi, toujours au courant par ses espions des moindres modifications de notre ligne, savait-il que les fusiliers marins avaient remplacé provisoirement le 8e tirailleurs dans le secteur de la Geleide ? Nous-mêmes, en tout cas, croyant qu’il ne s’agissait que d’« une toute petite corvée » supplémentaire, nous ne nous attendions pas à l’ampleur de l’orage qui allait fondre sur nous.

C’étaient la 8e compagnie du 2e régiment (capitaine Derrien), la 9e (capitaine Béra) et la 11e (capitaine de la Fournière) compagnies du 1er régiment qui avaient été désignées pour occuper les tranchées des dunes, la 3e compagnie (capitaine Geslin) du 2e régiment demeurant en réserve avec deux compagnies de territoriaux qui devaient chacune détacher une section en 2e ligne. Le hasard renvoyait encore dans ce secteur, voisin de celui qu’il occupait lors de l’attaque de la Grande-Dune, le capitaine de frégate Bertrand chargé du commandement du groupe et dont le P. C. était au Redan. Les compagnies avaient pris la relève à la nuit, le 31 octobre. Il pleuvait. Il pleuvait d’ailleurs depuis dix jours, depuis « toujours, » dira un gradé, encore sous l’impression de ce climat humide et de cet automne particulièrement pluvieux. Mais on était dans le sable. On retrouvait l’impression de « confort » qu’avaient goûtée si vivement les compagnies du bataillon Bertrand quand, à la fin de janvier, elles étaient montées dans ce secteur en soutien des tirailleurs tunisiens. « Pas de boue » et, malgré la proximité des Boches, qui sont, sur certains points de la ligne, à 30 mètres de nous, une nuit extraordinairement calme, sans canon, sans mousqueterie, à peine dérangée, çà et là, par le sifflement doux et le brusque coup de lumière d’une fusée. On ne s’endort pas cependant. Les hommes prennent le quart à tour de rôle et, montés sur la banquette de tir, fouillent attentivement les ténèbres. On est là comme sur le pont d’un navire, et la mer,