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vivant des lisières du pont de l’Union, qu’il avait défendues avec l’héroïsme d’un nouveau Bayard, au poste de secours de Nieuport, devait y mourir le lendemain. La nuit, qui couvrait ses yeux, n’était pas descendue sur son âme qui se dorait des feux d’une aurore éternelle. Peu après s’être confessé à l’abbé Pouchard, il avait reçu la visite du lieutenant de vaisseau Cayrol, commandant la compagnie de mitrailleuses. Rollin le remercia avec un bon sourire, puis, prenant sa voix de chef et, avant de mourir, songeant qu’il avait un devoir à remplir vis-à-vis de ses hommes :

— Commandant, dit-il, je demande que vous félicitiez la 8e section de la compagnie de mitrailleuses pour sa belle tenue au feu dans la journée d’hier.

L’abbé Pouchard, au nom du commandant Cayrol, qu’on venait d’appeler près du capitaine de Roucy, l’assura qu’ainsi serait fait, et, la conscience en règle avec Dieu et avec ses hommes, l’enseigne « sans peur et sans reproche » se remit à son destin…

Dès son arrivée sur les lieux, la 1recompagnie avait occupé les ouvrages avec ses trois sections, puis, avec deux sections de pionniers, elle avait travaillé à la réorganisation du front complètement bouleversé par le bombardement du jour. La 9e et la 6e compagnie avaient été relevées après l’altaque, en même temps que les débris de la compagnie de Roucy ; mais la compagnie Michel, en se repliant sur le front de Saint-Georges, avait laissé des petits postes de liaison dans les tranchées D’ et Colza.

La journée du 11 fut relativement calme. « L’ennemi, dit le rapport officiel, ne se montre pas. Il lance quelques projectiles sur Saint-Georges. Vers la fin de l’après-midi seulement, les Allemands bombardent avec du 210 et du 150 W et Union. Notre artillerie est impuissante. Nuit assez calme. Bombardement intermittent de Saint-Georges. On pousse le plus possible les travaux d’organisation de W et de la Ferme de l’Union, mais l’état de fatigue de la 1re compagnie oblige le commandant Delage de la relever à une heure du matin par la 6e compagnie (lieutenant de vaisseau Michel) qui occupe W et la ferme avec deux sections ; la 2e section (maître Robic) dans la tranchée sur la route ; une demi-section de la lre (second maître Lucas) dans les ruines de W et dans un trou avoisinant ces