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lèles de départ pour marcher sur la ferme Terstyle. L’attaque proprement dite commencerait u dès que l’artillerie, qui battait d’abord les fermes, aurait allongé son tir pour établir un barrage entre elles et les renforts ennemis. »

Et, de notre côté du moins, tout s’exécuta conformément au programme : à dix heures trente-cinq du soir, le capitaine de Roucy, dont la compagnie attaquait sur la ferme W, lançait deux de ses sections : la 3e (enseigne de vaisseau Albert) par le bas-côté Sud de la route de Bruges ; la lre (enseigne de vaisseau Boissat-Mazerat) par la prairie latérale, avec la 2e section pour soutien. Mais, peu après, voyant que l’ennemi ne réagissait d’aucune façon, Roucy fit remonter cette 2e section sur la route où elle se défila d’arbre en arbre. L’ordre était « d’aller rapidement et sans bruit. » La consigne fut si bien observée que, moins de vingt minutes plus tard, l’enseigne Albert entrait avec sa section « sans coup férir » dans le fortin de la ferme W où il trouvait, autour du cadavre encore chaud de leur chef (un feldwebel tué par un de nos obus), sept Boches « abrutis par le bombardement » et qui, littéralement affolés de nous voir tomber si vite sur leur ligne, » levèrent les bras en l’air et se rendirent sans résistance. La lre section arrivait presque aussitôt sur les lieux. Seule, la section de l’enseigne Boissat-Mazerat avait éprouvé quelques difficultés dans sa marche. Le sol de la prairie était « détrempé, » creusé de trous d’obus où l’on trébuchait « presque à chaque pas. » En outre, trois canaux le barraient perpendiculairement : le premier avait pu être franchi sur la passerelle portative dont l’escouade de pionniers, « armée de pinces coupantes, grenades, pelles, pioches de parc, etc., » qui accompagnait chaque compagnie, avait pris la précaution de se munir ; mais cette passerelle se révéla trop courte pour les deux canaux suivants, qui avaient 5 mètres de large et qu’il fallut traverser à la nage. « Tout suants et mouillés, » leurs « capotes pleines de boue, » les hommes devaient encore faire en sorte de ne trahir leur présence par aucun grognement. On s’attendait pendant l’opération à des coups de fusil, peut-être de mitrailleuses, et, dans cette prévision, les deux canons de 37 de notre première ligne avaient été portés aux avant-postes. Ils n’eurent pas à intervenir. C’est que les ruines de la ferme W n’avaient plus de garnison. Fortin et ferme furent immédiatement occupés, retournés et matelassés