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Dans la première de ces directions, c’était la 11e compagnie du ler régiment qui avait à supporter le choc. Nous l’avons quittée au moment où Luc Platt mettait au courant l’enseigne Frot du mouvement de la ligne ennemie : l’enseigne l’envoya par le boyau répéter ses explications au capitaine de La Fournière. Mais, le capitaine, qui, « tout en préparant à la mort un de ses hommes grièvement blessé, ne perdait pas la carte et surveillait la tranchée d’en face, » avait déjà vu le mouvement et donné des ordres en conséquence. De ce côté du secteur, entre le poste 15 et le poste 9 et à 3 ou 400 mètres de la ligne ennemie, la tranchée française affectait la forme d’un V renversé. Nous avions essayé de corriger ce défaut en poussant des antennes vers les Roode-Poort ; mais cette partie de notre ligne venait seulement d’être organisée ; tous les gourbis n’étaient pas encore terminés et l’artillerie allemande eut beau jeu de les démolir. Finalement, nous l’avons vu, la défense était réduite par endroits à un simple mur de sacs de sable, derrière lequel, aussitôt l’ennemi signalé, le capitaine de La Fournière et l’enseigne Frot faisaient mettre la hausse à 250 mètres et commandaient feu à volonté. Vainement l’officier qui chargeait, sabre au clair, à la tête des quatre groupes d’assaillants et qui semblait avoir la direction de l’attaque, un grand diable roux à l’œil dur et au verbe rauque, essaya-t-il d’entrainer ses hommes : disloqué par nos feux, le groupe 4 reflua presque tout de suite ; les groupes 2 et 3 poussèrent un peu plus loin. L’officier lui-même, avec les débris du premier groupe, put s’avancer jusqu’à trente mètres de nos fils de fer, se coucha et voulut tenter un dernier bond : le second-maître Cadio l’abattit d’une balle dans la tête. Rien ne bougea plus sur la plaine, où « 80 Boches au moins » mesuraient le sol nouvellement reverdi.

Entre le canal de Plaschendaele et la route de Lombaertzyde où notre front dessinait encore un V formé par les deux canaux (Plaschendaele et d’évacuation) et le remblai du Boterdyck, les Allemands attaquaient en même temps par la levée de terre du canal d’évacuation et par les tranchées de la ferme Groot-Bamburg. Et ce n’était plus cette fois une attaque par essaims. L’ennemi semblait avoir voulu soutenir la plus effrontée des gageures : ses forces atteignaient l’effectif d’un bataillon, et telle était la présomption des assaillants que, sur cette grande