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tivement la préparation des différents projets de lois. Quant à la question agraire, la plus importante de toutes, il s’en était réservé complètement l’étude, et la série d’ukases par lesquels elle fut réglée bientôt après, peut être considérée comme son œuvre absolument personnelle.

Comme j’étais seul parmi les membres du Cabinet à connaître de près le fonctionnement d’un régime constitutionnel et parlementaire, c’est à moi qu’on s’adressait chaque fois qu’il s’agissait de résoudre une difficulté provenant de la nécessité d’adapter la nouvelle législation à l’ordre de choses créé par la charte de 1905. J’acceptais volontiers ce surcroit de travail ; mais ce qui, en dehors de mes attributions directes, m’occupait le plus, c’était la question agraire à laquelle je méétais de tout temps passionnément intéressé : j’avais, à ce sujet, de fréquents et longs entretiens avec M. Stolypine auprès duquel je me faisais le champion convaincu du système de la petite propriété privée.

J’ai raconté comment, grâce à l’étude de la vie sociale et économique dans l’Europe occidentale, j’avais rejeté de bonne heure les théories slavophiles et surtout la néfaste conception du « mir. » Ce fut pour moi une grande satisfaction de constater que M. Stolypine, resté, à d’autres égards, sous l’influence de ces théories, penchait de plus en plus vers la suppression de la propriété communale et vers la création parmi les paysans de la petite propriété individuelle. Pour achever de le convaincre, je lui communiquai des matériaux intéressants relatifs à l’histoire de la réforme agraire en Europe, que j’avais réunis en divers pays, surtout en Danemark, d’où j’avais adressé à ce sujet au gouvernement une série de rapports. En Danemark, le passage du régime communal à celui de la propriété s’était effectué à une époque plus récente que dans le reste de l’Europe, c’est-à-dire dans les dernières années du XVIIIe siècle ; ce fut l’œuvre du ministre comte Bernstorff qui commença par appliquer la réforme, à titre d’exemple, aux domaines de la Couronne et à ses propres domaines. En étudiant les documents relatifs à cette question conservés à Copenhague, j’avais remarqué la similitude des conditions agraires qui existaient en Danemark avant la réforme, avec celles qu’on observait en Russie ; j’avais été surtout frappé des résultats bienfaisants obtenus avec une rapi-