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Londres une délégation de la Douma venue pour prendre part à la Conférence interparlementaire ; c’est en saluant cette délégation que le premier ministre britannique prononça cette phrase qui eut tant de retentissement : « La Douma est morte, vive la Douma ! » M. Campbell-Bannerman avait évidemment voulu souligner par ces mots qu’il ne voyait dans la dissolution qu’un acte parfaitement normal et ne portant aucune atteinte à l’existence même de la Douma ; mais telle était l’ignorance en matière de droit constitutionnel dans notre milieu gouvernemental, qu’on y considéra cette exclamation comme un défi et une impertinence à l’adresse de l’Empereur. J’eus le plus grand mal à expliquer à mes collègues, et à convaincre l’Empereur lui-même, que M. Campbell-Bannerman n’avait fait que paraphraser, en l’appliquant à la Douma, la vieille formule qui exprimait, dans la France d’avant la Révolution, l’idée de la continuité du principe monarchique : Le Roi est mort, vive le Roi !

Au lieu de suivre l’indication donnée par le Premier Ministre Britannique, les chefs cadets entraînèrent une grande partie des députés à une démarche des plus imprudentes : 190 membres de la Douma se réunirent, sous la présidence de M. Mouromtzoff, en Finlande, et y signèrent le fameux appel au peuple russe connu sous le nom de « manifeste de Wyborg. »

Dans ce manifeste, le Gouvernement était accusé d’avoir frappé la Douma uniquement parce qu’elle avait exigé l’expropriation forcée des terres en faveur des paysans ; en même temps, le peuple russe était exhorté à défendre les droits de la représentation nationale en refusant l’impôt et le service militaire et repoussant tout emprunt que le Gouvernement émettrait sans le consentement de la Douma. Le manifeste se terminait par ces mois qui avaient le caractère d’un véritable appel à la révolution : « Pas un copeck au trésor, pas un soldat à l’armée ; soyez fermes dans votre refus ; tous, comme un seul homme, défendez vos droits, aucune force ne peut tenir devant la volonté inflexible du peuple ! Citoyens, dans cette lutte devenue inévitable, vos élus seront avec vous ! »

On sait que le manifeste de Wyborg n’eut aucune suite pratique et tomba, pour ainsi dire, à plat dans le pays qui montra dans cette circonstance plus de sens politique que ne lui en supposaient les chefs du parti cadet. Ceux-ci se rendirent certainement compte plus tard de leur erreur et cherchè-