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qui a un instant dépassé ses moyens physiques, de notre situation financière et des « solutions » que le traité y apporte, a inspiré ou confirmé de justes inquiétudes. Une dette de 200 milliards, un budget annuel d’au moins 16 ou 17 milliards, une population diminuée de 1 500 000 morts et appauvrie de combien de mutilés; tant de choses à refaire : le pays, la race même à reconstituer ; 25 milliards, au bas mot, de pensions à servir, d’ici à 1926 et, au bas mot, 75 milliards de réparations à avancer, dont le tiers durant ces sept années. En face de ce passif, qu’est-ce que le traité met à la charge de l’Allemagne? 25 milliards avant 1921, déduction faite de ce qu’elle devra pour son ravitaillement en aliments et en matières premières et pour les frais d’occupation militaire. « Le reste, remis aux Alliés pour être partagé entre eux, ne nous laissera pas une part suffisante pour payer l’arriéré des pensions militaires et les intérêts des réparations qui courent depuis l’invasion, en tout cas depuis l’armistice, et dont nous sommes débiteurs au regard de nos populations du Nord et de l’Est. » Après 1921, 50 milliards de nouveaux bons, « sur lesquels notre part sera, dit-on, d’un peu plus de la moitié. » En outre, à une date indécise, « lorsque la commission des réparations estimera que l’Allemagne est en état d’en supporter le poids, » une seconde série de bons d’une égale valeur de 50 milliards, dont nous ne recevrons encore qu’une quote-part.

L’Allemagne crie : 100 milliards de marks seulement, 100 milliards en tout; ou je meurs! Mais nous? Nous, les vainqueurs? « A la fin de cette période de sept ans, nous aurons dû emprunter les deux tiers de 75 milliards, soit 50 milliards. Prenons un chiffre moyen : c’est 37 milliards et demi que vous devrez emprunter. Calculez les intérêts de 37 milliards et demi à 6 pour 100 pendant sept ans, vous trouverez 15 milliards. Ajoutez le déficit des pensions, 25 milliards, c’est un total de 40 milliards. » Sur nos épaules; et sur le dos de l’Allemagne? Dans cette période de 1921 à 1926, l’Allemagne ne versera que 1 600 millions par an pendant cinq ans; par conséquent, cela fera 900 millions, au plus, chaque année, pour la part de la France, c’est-à-dire un total de 4 milliards et demi, qui, déduit de nos charges évaluées à 40 milliards, nous laisse un déficit de 35 milliards et demi dont la France sera obligée de faire l’avance. » C’est donc à nous de nous retourner vers nos alliés et associés, et, leur montrant nos plaies saignantes, notre population décimée, nos champs ravagés, nos usines détruites, de dire en toute vérité : Nous ne pouvons pas! La dernière parole de M. Ribot n’est pas une parole de découragement, mais de confiance. « Travaillez! travaillez!