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rang et chaque chose à sa place. Tout cela, bien entendu, par boutades, saillies, fusées de rire, avec une gaminerie impayable et une légèreté de bouche délicieuse. Dans ces exquises œuvrettes de Gyp, l’enfant personnifie la nature en opposition avec la convention sociale. Quand ils voulaient faire, la satire de la société, les littérateurs d’autrefois en chargeaient le paysan du Danube ou le Huron. L’amusante nouveauté est de l’avoir confiée à un gamin en culottes courtes et à un petit bout de femme.

Et cela est si bien d’aujourd’hui ! C’est l’achèvement de cette apothéose de l’enfant qui s’est poursuivie à travers tout le siècle dernier. Moins on avait d’enfants et plus on augmentait l’importance de l’enfant. On le gâtait, on se gênait pour lui, on se pliait à ses caprices. Et c’était déjà très joli ; mais le chef-d’œuvre, c’est d’avoir fait de ce gamin le sage de la famille.

Bien entendu, je ne critique pas et surtout je n’insiste pas. L’espiègle création de Gyp est toute fantaisie : ne chicanons pas avec notre plaisir. Le petit Bob a ravi et ravira des générations de lecteurs. Je remarque seulement que, charmant dans les livres de la spirituelle romancière, le type l’est beaucoup moins dans la réalité. Des enfants qui se mêlent de ce qui ne les regarde pas, qui se permettent de juger les gens et vous lâchent des impertinences en plein visage, il y en a et nous en connaissons tous. Mais nous ne les aimons guère. Encore leur en voulons-nous moins à eux-mêmes qu’à l’absurde faiblesse des auteurs de leurs jours. Les parents d’autrefois, qui n’y allaient pas par quatre chemins et n’y allaient pas de main morte, leur appliquaient une bonne paire de gifles. Ainsi s’exprimait leur opinion.

Dans Napoléonette, Gyp a eu l’idée d’encadrer dans un décor d’autrefois son type favori. Elle a, si j’ose dire, transporté dans l’histoire son petit Bob. Napoléonette en est comme une sœur aînée. Cette filleule de Napoléon fait éclater dans l’ennui de la Cour de Louis XVIII sa fougue, son indiscipline, sa gaieté pétillante, sa belle franchise et son adorable gaminerie. Tout le monde a lu le roman où Gyp, pour notre plus grande joie, s’est essayée au genre historique. Mme André de Lorde et Jean Marsèle en ont tiré une pièce de théâtre en cinq actes et un prologue. Oublions donc le roman et suivons la pièce, telle qu’elle se déroule sur la scène du théâtre Sarah-Bernhardt. Au prologue, le canon de Waterloo. Le colonel de Sérignan est frappé à mort. Près de lui, sa fille, âgée de seize ans, qui l’a suivi aux armées, et qui sert comme lancier sous un nom et sous un uniforme d’emprunt. Au premier acte, dix-huit mois après, nous