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Charonneau. Dans le mélo d’autrefois, au dénouement le crime était puni. Ici, l’assassin n’est pas puni, son complice pas davantage : les temps ont marché.

La pièce est jouée par la troupe de l’Odéon dans la note conventionnelle adoptée pour la paysannerie de théâtre.


Au théâtre Sarah-Bernhardt, une aimable comédie historique d’après le roman de Gyp : Napoléonette.

On sait comment, à force d’esprit, de drôlerie, de verve et de fantaisie, Gyp a tenu et gagné cette gageure : rendre sympathique cet être insupportable qui s’appelle un enfant mal élevé. Naguère, dans un de ses plus fameux albums, Gavarni nous avait présenté le type de l’enfant terrible C’est celui qui, à table, au nez de l’invité ahuri, désignant le poulet qu’on vient de servir, demande : « Est-ce le petit crevé de ce matin que t’as dit qu’ce serait toujours assez bon pour lui ? » C’est celui qui, à cheval sur les genoux d’un visiteur, lui tient ce propos : « Dis-donc, Mossieu, comment qu’tu fais ? Maman dit que tu coupes les liards en quatre. Ça doit être joliment difficile. » Etc. Il ne rate pas une occasion de dire précisément ce qui n’est pas à dire. Il fait fuir les amis de la maison ; il met ses parents dans un continuel embarras : un fléau pour une famille ! Gyp en a fait une bénédiction pour le genre humain. C’est un joli tour de force.

Le procédé est le plus ingénieux qui soit et le plus simple : il consiste à doter l’enfant de toutes les qualités dont on voit trop souvent que les grandes personnes sont dépourvues. Gyp imagine que l’enfant a reçu en partage le bon sens, l’équité, la noblesse, une droiture, un goût du bien, un sentiment de la justice distributive qui ne se trompe jamais. Tous ces dons merveilleux, l’enfant les possède de naissance et d’instinct. Son esprit va, de lui-même, au vrai et au bien : malheureusement, l’éducation intervient et le fait dévier. Parlez-nous d’une nature d’enfant qui n’a pas été déformée par l’éducation ! Ses mauvaises manières et l’incorrection de son langage sont les meilleurs garants d’une bonté naturelle restée à l’état pur et que rien n’est venu altérer.

Alors le petit Bob et autres « amours d’enfants », se promènent à travers la société comme des manières de justiciers, distribuant l’éloge et le blâme, démasquant l’hypocrisie, raillant la vanité déjouant les combinaisons de l’amour-propre et de l’intérêt, s’élevant au-dessus des artificielles convenances, remettant chacun à son