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trouvera-t-il personne pour aller les exprimer à Paris ? Le Conseil National n’enverra-t-il pas son président à la Chambre des Députés où, quelques jours auparavant, deux députés de l’Alsace-Lorraine ont eu les honneurs de la séance[1] ? Quel mémorable spectacle que celui du représentant de l’Alsace et de la Lorraine venant apporter à la tribune du Palais-Bourbon l’hommage de fidélité de son pays ! Parlant au nom d’une assemblée souveraine, il dirait que la république d’Alsace et de Lorraine se donne librement à la France, comme la république de Mulhouse a fait en 1798. Quels rapports de confiance s’établiraient aussitôt entre le gouvernement français et ce Conseil National qui a tant de titres à le guider dans la tâche difficile de la réorganisation de nos nouvelles provinces ! L’honneur de faire cette belle déclaration reviendrait naturellement au président du Conseil National, si M. Ricklin ne portait la tare de son funeste discours de clôture de la session de 1917. C’est seulement le 27 novembre qu’on le remplace par l’abbé Delsor. Il est trop tard. Depuis la veille, le gouvernement français, ne recevant rien de l’Alsace et de la Lorraine, a formé à Paris un Conseil supérieur dont les membres, désignés en partie par les commissaires de la République, et en partie par la Conférence d’Alsace et de Lorraine, ne sont à aucun litre les mandataires de la population indigène. Du moins peut-on encore espérer que le Président de la République viendra au milieu des représentants de l’Alsace et de la Lorraine consacrer le retour de ce pays à la France. On lui télégraphie : « Les élus du suffrage universel de l’Alsace et de la Lorraine, constitués en Assemblée Nationale, ont appris avec bonheur que le Président de la République va faire aux provinces rendues à la France par la vaillance des armées françaises et alliées l’honneur de sa visite… L’Assemblée Nationale se joint d’avance aux hommages de respect que le pays vous rendra et aux témoignages d’attachement qu’en votre personne il donnera à la Patrie retrouvée. »

En attendant la visite présidentielle, l’Assemblée nationale,

  1. Le 11 novembre, l’abbé Wetterlé et M. Weil, sur la proposition de M. Albert Thomas. Il était facile, dès le 15 novembre, d’aller de Strasbourg en France, comme le prouve le voyage de Mme Ehrmann et Karcher qui, à cette date, se rendirent en automobile à Nancy pour signaler au préfet, et indirectement à M. Clemenceau, l’urgence du ravitaillement de l’Alsace et de la Lorraine. (Strassburger Neue Zeitung du 19 novembre).