Page:Revue des Deux Mondes - 1919 - tome 51.djvu/919

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

allait recevoir un ministère composé d’Alsaciens et présidé par M. Hauss, député alsacien du Centre. Celui-ci, catholique originaire de la Basse-Alsace, connaissant bien la France (il avait fait une partie de ses études à Clermont-Ferrand)[1], était un des membres les plus en vue du parti autonomiste. Le 9 octobre, M de Dallwitz, qui avait combattu de toutes ses forces ces projets d’autonomie, abandonnait le poste de statthaller, et M. de Tschammer résignait ses fonctions de secrétaire d’Etat. Avec eux abdiquait cette politique pangermaniste qui, en traitant l’Alsace-Lorraine en pays ennemi, avait tant fait pour y raviver la haine de l’Allemagne.

En même temps, on apprenait que la mission d’instaurer eu Alsace-Lorraine le régime parlementaire avait été confiée à M. Schwander. Protestant, originaire d’une famille modeste de la Haute-Alsace, M. Schwander était depuis 1906 maire de Strasbourg. Son esprit d’initiative et ses facultés d’organisation avaient imprimé à la ville un remarquable essor. Assisté d’un secrétaire d’Etat, M. Hauss, et de plusieurs sous-secrétaires d’Etat, il devait diriger les affaires jusqu’à ce que la population du pays eût désigné elle-même l’homme qui resterait à la tête du gouvernement. Il gardait provisoirement le titre de Statthalter, qui pourtant ne convenait plus guère à ces nouvelles fonctions. Il avait l’intention de convoquer le Landtag au bout d’une semaine, dès qu’il se serait entendu avec les partis sur l’attribution des portefeuilles des sous-secrétaires d’Etat[2]. On citait déjà les noms de M. Peirotes, socialiste, pour les finances, de M. Burger, libéral, pour la justice, de l’abbé Müller, du Centre, pour les cultes et l’instruction publique, et de M. Forêt, maire de Metz, du Centre, pour l’agriculture. Mais successivement tous les partis, le Centre, les Lorrains, les socialistes et les libéraux refusèrent, sous prétexte que l’incertitude de la situation leur commandait l’expectative. Ainsi ils refusaient d’aider à l’établissement de ce régime qui depuis trente ans avait été le but de leurs efforts ! Il ne leur suffisait plus d’être maîtres chez eux. Le premier usage qu’ils voulaient faire de leur liberté était de se donner à la France.

  1. Der Elsässer, 22 octobre 1918 ; M. Hauss fut un des fondateurs du Théâtre alsacien. Il écrivit plusieurs pièces dans ce dialecte où les Alsaciens voyaient un moyen d’exprimer leur autonomie.
  2. Freie Presse du 14 octobre 1918.