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convaincu que ni l’Allemagne ni l’Autriche ni l’Italie ne songeaient a la guerre. Il en avait reçu l’assurance des trois gouvernements et il ne doutait pas de leur sincérité.

Il est vrai que l’Allemagne regrettait de n’avoir pas profité de l’occasion qui s’offrait à elle d’attaquer la France en 1887, mais, n’en ayant pas profité, elle jugeait que le bon moment était passé et elle ne songeait plus à prendre les armes. C’était aussi l’opinion des ministres français, mais M. de Freycinet croyait nécessaire de convenir d’avance en pleine paix des mesures que pourrait imposer une brusque déclaration de guerre. M. de Giers reconnut que quoiqu’à son avis, la Triple-Alliance fût surtout défensive, la guerre pouvait éclater par surprise et qu’il serait sage de ne pas se laisser saisir au dépourvu. Il fallait, néanmoins, ne pas pousser les choses avec trop d’activité et tenir compte de la volonté de l’Empereur de ne rien décider qu’après de longues réflexions. Il n’y avait pas, pour l’instant, péril en la demeure. Alexandre s’appliquait à maintenir avec l’Allemagne des rapports tolérables. Tout récemment, rentrant à Saint-Pétersbourg, il n’avait pas voulu s’arrêter à Berlin, parce qu’il se sentait trop irrité contre Guillaume pour pouvoir lui faire des politesses. Se composer un visage eut été au-dessus de ses forces et il avait préféré ne pas laisser d’équivoque sur ses dispositions.

Les détails que nous rappelons sont extraits des rapports qui figurent dans le Livre Jaune, publié récemment par le gouvernement de la République et dans lesquels on peut suivre jour par jour, étape par étape, la marche des négociations vers l’Alliance. Nous ne croyons pas utile d’y faire d’autres emprunts. Il faut cependant en retenir que, durant ces conversations préliminaires, toutes les questions susceptibles de créer des difficultés ou des malentendus entre les nouveaux alliés, avaient été examinées à fond et donnaient lieu à des échanges de vues satisfaisants pour l’un et pour l’autre.

Il en fut notamment ainsi en ce qui concernait la question d’Orient. Giers déclara très nettement que l’Empereur de Russie était parfaitement résolu à ne rien entreprendre contre le sultan.

Nous en avons assez dit pour montrer combien favorable à la politique française était le terrain où allait avoir à évoluer Montebello chargé de suivre ces importantes négociations.