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l’année suivante, lors du renouvellement de la Triple-Alliance, l’hypothèse étant envisagée alors d’une accession indirecte de l’Angleterre, que, dans une conversation intime, de Giers et Laboulaye étaient amenés à se demander si la situation nouvelle faite par cet événement à la France et à la Russie, ne rendrait pas désirable un pas de plus dans la voie de l’entente. Cette ouverture porte la date du 18 juillet 1891 ; elle répondait aux désirs du gouvernement français et le ministre des Affaires étrangères, M. Ribot, déclarait, dès le 24, que le Cabinet dont il faisait partie sous la présidence de M. de Freycinet, ministre de la Guerre, recevrait dans l’esprit le plus favorable les propositions qui pourraient lui être faites. S’il se rendait bien compte des dispositions de Giers, l’accord qu’il s’agissait de conclure devrait se réduire aux termes les plus simples : « Il nous paraîtrait quant à nous suffisant de convenir, d’une part que les deux gouvernements se concerteraient sur toute question qui pourrait mettre en cause le maintien de la paix et d’autre part, qu’il serait entendu que si la paix était effectivement menacée par l’initiative d’une des puissances de la Triple-Alliance, la France et la Russie prendraient sans aucun retard les mesures nécessaires pour prévenir toute surprise. » Des pourparlers, qui furent menés rapidement, s’engageaient aussitôt à Saint-Pétersbourg et le 5 août, l’accord était fait sur le principe d’un échange de vues entre les deux gouvernements. C’est sur cette base qu’allaient se poursuivre les négociations qui devaient aboutir à la convention militaire de décembre 1893.

Ces négociations dont l’initiative était due à Laboulaye, ce n’est pas lui qui devait y prendre part. Depuis déjà quelques semaines, des motifs d’ordre privé avaient exigé son retour et sa présence en France pour un temps assez long et sa démission avait été le résultat de l’embarras dans lequel il s’était trouvé. Sa décision était prise depuis le mois de mars ; il avait même été chargé de demander à M. de Giers si la Russie voudrait qu’il eût un général pour successeur. « Sa Majesté s’en remet complètement au Gouvernement français du choix qu’il fera, avait répondu Giers, et nous aurons une confiance absolue dans l’appréciation que vous nous donnerez vous-même de votre successeur. Si vous nommez un général, nous n’avons rien contre, mais ne vous croyez pas obligés de le faire. »

Laboulaye ayant demandé quel serait le successeur, M. Ribot