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courtoisie qui prouvent avec quel intérêt la France suit les événements de Russie.

Elle lui rend des services plus positifs. Elle tient déjà depuis plusieurs mois sous la surveillance la plus active les nihilistes qui, ayant fui le territoire impérial, sont venus chercher un asile à Paris. A l’improviste, en mars 1890, le ministre de l’Intérieur Constans est averti par sa police que ces incorrigibles conspirateurs se livrent secrètement à la fabrication d’engins explosifs avec l’intention d’aller les utiliser contre le tsar. Un matin, l’Ambassadeur impérial Mohrenheim arrive tout ému chez le ministre, lui confirme ce renseignement, lui révèle même que quelques-uns de ces engins sont enterrés dans le Bois de Boulogne, en attendant que les conspirateurs puissent les transporter à Saint-Pétersbourg, ce qu’ils espèrent pouvoir faire prochainement.

On était alors au mois de mai ; le président Carnot allait partir pour une tournée dans l’Est et dans le Midi. Le départ était fixé au 21 et le ministre de l’Intérieur devait accompagner le chef de l’État :

« Mais votre éloignement, mon cher ministre, dit avec inquiétude l’ambassadeur, n’entrainera-t-il pas un relâchement dans la surveillance ? Ces malfaiteurs n’en profiteront-ils pas pour s’enfuir et pour réaliser leurs criminels projets ? — Rassurez-vous, je les connais tous ; aucun d’eux ne peut échapper. Mais il convient d’attendre pour les arrêter qu’on puisse les prendre en flagrant délit de fabrication et saisir leurs engins en même temps que leurs personnes. Tout ce qui doit être fait sera fait en temps utile. »

Le 26, alors que Constans n’était pas encore de retour, il y eut à l’ambassade de Russie une nouvelle alerte. Mohrenheim arrivait tout effaré chez M. Ribot, ministre des Affaires étrangères, et lui faisait part de ses nouvelles craintes. M. Ribot s’empressait de les transmettre à Constans qui, de Chaumont où il se trouvait alors, écrivait :

« Je veux être à Paris quand ils seront arrêtés afin, s’il se produisait des interpellations à la Chambre, de pouvoir y répondre. Mais j’y serai demain dans la soirée. Qu’on prépare tout pour procéder aussitôt aux arrestations. »

Les choses se passèrent ainsi qu’il l’avait ordonné, et le 29, au lever du jour, toute la bande était sous les verrous ; ses