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des compétitions et des variations politiques. » — « C’est vrai, mais cela ne suffit pas. » Quelques mois plus tard, il n’est plus aussi exigeant. C’est que tout, dans son entourage, a contribué à l’entraîner de plus en plus vers la République Française en dehors même des circonstances qui lui ont montré de quel prix serait pour lui un rapprochement avec elle.

S’il consulte Giers, celui-ci lui avoue qu’il ne voit rien qui creuse un fossé entre les deux pays. « Nous devons, dit-il à l’Empereur, nous réjouir de l’état de la France, de l’esprit de plus en plus modéré de ses institutions. » En répétant ces propos à Laboulaye, il ajoute : « S’il n’y a rien de signé entre nous, c’est tout comme. » L’Ambassadeur constate à cette occasion que la France et la Russie, malgré les efforts de l’Allemagne pour les séparer, ne cessent de resserrer les liens qu’elle voudrait briser. Il constate encore que rien de ce qui se passe en France n’est indifférent à la Russie. Partout éclate et s’affirme la sympathie qu’elle ressent pour la nation française. Il fait remarquer que toute trace de théâtre allemand a disparu de Saint-Pétersbourg et que les trois scènes de la capitale sont occupées par des troupes françaises. Il n’est pas étonnant que dans cette atmosphère la mentalité de l’Empereur se soit modifiée et d’autant plus que le gouvernement de la République se prodigue pour lui être agréable et utile.

À cette date, Alexandre a décidé que son fils le grand-duc héritier Nicolas partira avec son frère cadet le grand-duc Georges, au mois d’octobre suivant, pour faire le tour du monde. Aussitôt des ordres sont donnés de Paris pour que dans les possessions françaises par où passeront les jeunes princes, il soit fait envers eux assaut d’égards, de prévenances et de soins. Lorsqu’un peu plus tard, la santé précaire du cadet l’oblige à interrompre son voyage et lorsque les médecins conseillent pour lui un hivernage à Alger, ses parents sont assurés que, pendant son séjour dans notre grande colonie, aucune marque de sollicitude ne lui fera défaut. Au commencement de janvier, les mêmes témoignages se renouvellent à l’occasion de la mort du prince Nicolas de Leuchtenberg. Laboulaye apporte aux souverains les condoléances du gouvernement de la République, en rappelant que le défunt était le petit-fils d’Eugène de Beauharnais. Mais ce ne sont là que des démonstrations de