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des relations entre la France et la Russie, l’ambassadeur est chargé de lui déclarer que cet espoir répond entièrement aux sentiments de Carnot et aux intentions de ses ministres. Ce langage, non moins que celui du Tsar, constitue la preuve qu’au cours des deux années précédentes, la situation entre les deux pays s’est sensiblement améliorée, période heureuse où les rares causes de mécontentement oui été facilement dissipées par suite des services que la France avait rendus à la Russie, et en prévision de ceux qu’elle lui rendrait encore en l’aidant à secouer le joug financier de l’Allemagne, à conjurer les effets de la campagne entreprise contre les valeurs russes par la Bourse de Berlin, et ensuite en contribuant pour une large part à l’amélioration de son organisation militaire.

Parmi les motifs de mécontentement, il y avait eu, en 1889, l’affaire Atchinof, qui causa quelque émoi dans les chancelleries quand elle se produisit. Cet Atchinof, un Cosaque, se proposant d’entreprendre une active propagande de la religion grecque orthodoxe et de l’influence russe en Abyssinie, avait recruté à cet effet quelques popes, leurs femmes et leurs enfants. Le 18 janvier, il débarquait avec son monde, sous le drapeau commercial russe, à Sagallo, sur un territoire soumis au protectorat de la France. Ses compagnons étaient armés de quatre-vingts fusils à répétition et d’une mitrailleuse. Le gouverneur dut lui signifier que des armes ne pouvaient être introduites dans nos possessions. Atchinof refusa de reconnaître notre autorité, en alléguant, d’une part, que ce territoire lui avait été cédé en toute souveraineté par le sultan de Tadjourah, et, d’autre part, que la mission qu’il remplissait lui avait été confiée directement par le Tsar. Sur ces deux points, il ne disait pas la vérité, et le gouvernement russe, en réponse aux questions que nous lui avions posées, infligea à ces assertions un démenti formel, en déclarant officiellement qu’il se désintéressait de cette entreprise.

C’était le ministre Goblet qui dirigeait à Paris la politique étrangère ; il eut le tort de ne tenir compte en cette circonstance que de notre droit, et, ardent à le faire respecter, d’oublier combien sont promptes à s’éveiller les susceptibilités religieuses du peuple russe. L’amiral Olry, qui commandait dans ces parages, reçut l’ordre de déloger la mission, en employant au besoin la force, et chargea de l’exécution le coin mandant