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comme unités de travailleurs. Progressivement, de tâches obscures, réparations de routes, escortes de prisonniers, d’aucuns, appréciés à l’usage, regagnèrent le rang de troisièmes bataillons, de quatrièmes compagnies dans des formations anémiées tenant des secteurs tranquilles. Ceux qui, par chance, se trouvèrent accolés à des troupes coloniales blanches ne sortaient pas de leur milieu. Honorablement parmi elles, ils participèrent, notamment autour de Verdun, aux rares opérations de cette campagne sacrifiée. En fait, cette lugubre année 1917, si riche de promesses, faillit aux troupes noires comme au reste.


LES SÉNÉGALAIS EN 1918

Retirés du front aux abords de l’hiver, complétés à l’aide de recrues tard venues, d’hommes pris aux unités dites d’étapes, les bataillons sénégalais du recrutement 1915-1916 allèrent se reformer dans les camps du Midi, cette fois supérieurement organisés, et dirigés par un des généraux coloniaux, qui, pour s’être servis magnifiquement des noirs sur les champs de bataille, les connaissent le mieux. Des mains de ce soldat énergique sortirent les belles formations dont les Allemands ont pu, au printemps de 1918, éprouver la solidité. Composées d’hommes comptant presque tous au moins deux ans de services, elles réalisaient un outil de guerre propre à toutes les besognes : les faits, une fois encore, l’ont prouvé.

Croirait-on cependant, malgré le passé, que certaines préventions subsistaient encore contre nos noirs à l’heure même de s’en servir ? Un général colonial illustre en recueillait, non sans étonnement, les échos fort exactement deux jours avant l’attaque allemande du Chemin des Dames : « Les Sénégalais, lui affirmait-on, redoutent l’artillerie !… » Certes, comme tout le monde, mais pas davantage. À cette affirmation, passée pour quelques-uns en dogme au-dessus de tout examen, les noirs devaient d’être placés en secteur calme, le 27 mai dernier : à Reims. Or, s’en emparer, entrait dans le plan des surprises allemandes.

Entre la cité martyre et Soissons, piliers antiques des portes de Paris, le flot germain s’étranglait au passage. Nos troupes de première ligne soutenaient une lutte inégale quand les