Page:Revue des Deux Mondes - 1919 - tome 51.djvu/872

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Il est possible d’envisager leur groupement par bataillon après leur accoutumance aux effets de l’artillerie moderne, — accoutumance indispensable à toute troupe quelle que soit son origine, — et après confirmation de leurs qualités de manœuvre. Mais, pour pouvoir s’alimenter en spécialités de toute nature, les bataillons sénégalais ont besoin d’un réservoir européen. Non qu’il soit impossible aux noirs de devenir mitrailleurs, téléphonistes, etc. mais parce que nous devons improviser une organisation inexistante et que le temps nous manque pour former un nombre suffisant de spécialistes. Le bataillon sénégalais devra donc faire partie d’un régiment européen.

Nous arriverons ainsi à corser nos effectifs en donnant un bataillon sénégalais à chacun des régiments d’infanterie de certaines divisions auxquelles un rôle spécialement offensif aura été réservé. Il y a d’ailleurs intérêt à laisser à ces bataillons leur, effectif de campagne de 250 hommes et une section hors rang très étoffée en spécialités.

Les douze ou treize millions d’habitants que compte l’Afrique occidentale française peuvent certainement nous donner 200 000 soldats en moins d’un an. Ce sont là des ressources précieuses, dont nous avons l’utilisation certaine et qu’il est impossible de négliger.


J’arrête là ces citations. Elles sont suffisamment probantes pour démontrer avec éclat la valeur de forces que nous avons mis bien longtemps à découvrir. Au demeurant, c’est un assez beau rêve pour des paysans du Niger, venus six mois plus tôt au bureau de recrutement, que d’avoir pu, fût-ce un instant, servir d’entraîneurs à nos poilus de Verdun…


LES NOIRS ET L’OFFENSIVE DU 16 AVRIL 1917

Notre Afrique noire est une terre immense et sans chemins.

Les milliers de kilomètres s’y franchissent, pour la plus grande partie à pied, des contrées riches d’hommes aux artères fluviales ou ferrées, rares encore, qui mènent aux ports d’embarquement pour l’Europe.

Le plein effet des mesures de recrutement décidées à la fin de, 1915 et mal conduites, je l’ai dit, ne se lit donc sentir dans son résultat pratique, l’entrée en ligne d’un nombre important de bataillons, qu’au cours de 1917. La préparation s’effectua comme l’hiver précédent, sur notre côte d’Azur, à l’entour de Fréjus, en Algérie-Tunisie et, initiative moins heureuse, au camp trop froid et trop humide du Courneau, non loin de