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gouvernement, un ferme appui. Si jamais affaire se présenta sous de favorables chances d’aboutir, c’était bien celle-ci, semblait-il. Or, il n’en fut rien. Ce n’est ni le lieu, ni le moment de révéler comment des influences politico-financières, plus aveugles encore sur leurs vrais intérêts que sur ceux du pays, mais toutes-puissantes dans certains milieux coloniaux, la firent échouer. La « loi Masse » qui, votée, nous eût valu au bon moment un écrasant et peut-être décisif surcroît de forces, succomba sous leurs coups. Rapportée par M. Maurice Bernard, le 12 novembre 1915, devant la Commission de l’armée, qui l’adoptait à l’unanimité, sa carrière, sans cause apparente, s’arrêta brusquement à cet éphémère triomphe. Ne nous demandons pas pourquoi…

Entre Chambre et Sénat, elle disparut. Concassée en fragments d’où, soigneusement, toute conception générale était bannie, elle servit, grâce à l’appui de M. Clemenceau, président de la Commission sénatoriale de l’armée et à l’énergie de M. Henri Bérenger, rapporteur de cette assemblée, à fabriquer une série de décrets, spéciaux à chaque Colonie. Celui qui, pratiquement, eut charge de fournir à nos troupes noires d’Europe, est du 9 octobre 1915. Des confidences officieuses faites a la presse, notamment au Temps, il ressortait tout de suite que la caractéristique de l’effort auquel la menace de la loi Masse avait contraint de consentir, serait, pour l’Afrique noire, une limitation voulue du recrutement fixé à 50 000 hommes. C’était toujours mieux que les « huit beaux bataillons » d’antan. Mais, levé à la hâte, par des méthodes qui s’en ressentaient, ce contingent dut être dépaysé immédiatement. Il tombait en France au cours d’un hiver, rude même sur la Côte d’Azur, poudrée de frimas cette année-là, et s’installa dans des cantonnements insuffisants et de fortune. Même en ces conditions spécialement défavorables, il put, dans les quelques mois qui précédèrent la campagne d’été, en 1916, s’amalgamer avec ce qui restait de vieux tirailleurs et donner un nombre important d’unités : combattantes ou de marche ; dites d’étapes, au contraire, quand, formées de recrues trop novices, elles n’étaient utilisables qu’à l’arrière et au besoin comme « réservoir » d’effectifs.


Une douzaine de bataillons purent prendre une part non pas