Page:Revue des Deux Mondes - 1919 - tome 51.djvu/856

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

retentissantes consultations sur l’avenir promis à ces espoirs imprévus de renforcement militaire. On se mit de toute part à découvrir l’Afrique, non parfois sans la plus ingénue des incompétences, même parmi « ceux du plus haut étage. » D’un ministre aujourd’hui défunt, il demeurera sur ce sujet d’inoubliables aperçus. Peu importait : le branle était donné, l’affaire « lancée » dans le public. Sur l’intervention, puissamment efficace, de Mme Paul Doumer, rapporteur général du budget, et Delcassé, on passa, sans autre retard que celui afférent au vote de la loi de finances, acquis seulement, cette année 1909, en avril, aux premières réalisations.

Elles prévoyaient la création et l’installation, en Algérie, de deux bataillons dits « d’expérience » et l’envoi en Afrique occidentale d’une mission chargée d’y jauger le rendement probable de ce réservoir humain. Composée, outre son chef, le lieutenant-colonel Mangin, de quatre fonctionnaires ou officiers coloniaux, elle s’embarquait, le 18 mai 1910, à Bordeaux où le dernier rentré de ses membres, — le signataire de ces lignes, — y faisait retour le 3 février 1911. Toute notre Afrique occidentale avait été visitée. D’une estimation née d’une intime collaboration, constatée par procès-verbaux sous signatures, entre l’administration locale, les indigènes et la Mission, il résultait qu’une propagande appropriée et bien menée, quelques minimes avantages aussi à concéder aux tirailleurs, assureraient vraisemblablement un contingent annuel d’environ 40 000 volontaires. Chiffre destiné à croître si la « réclame » de l’affaire (indispensable à remplacer notre service de recrutement, en ces pays sans étal civil) était bien faite parmi un peuplement que la paix française, la diffusion du vaccin et une polygamie utilitaire et non de luxe multiplient rapidement. Sur ces données, le colonel Mangin[1] envisagea en 1911, officieusement, — car, chose curieuse, il ne fut jamais officiellement par la suite chargé de mettre en œuvre sa propre conception, — la création, en quatre années, de sept divisions et d’un « réservoir » destiné à les alimenter.

Quel mauvais génie entrava le développement méthodique de ce programme ? Demandons-le à l’esprit d’impréparation de notre avant-guerre. En tout cas, le fait patent, c’est ceci : des

  1. L’Organisation des Troupes noires, par le colonel Mangin, Bibliothèque des Marches de l’Est, Paris, 1911.