Page:Revue des Deux Mondes - 1919 - tome 51.djvu/848

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

toute-puissance funeste : les Français ne l’admettent point… La mainmise de Saintignon est un abus, un délit, dont, sans nous soucier de ces patronages d’outre-monts, nous appelons en vertu de cette liberté française, refuge et asile de ceux que l’injustice, couverte d’un prétexte de religion, persécute. Contre ce délit, nous nous armons de ces protestations salutaires, grâce auxquelles le Roi est reconnu maître chez lui, et sans lesquelles, devant le bon plaisir de la Cour de Rome, « il ne nous resterait que l’obéissance[1]. »

Et voilà l’ampleur que les Bossuet donnaient à leur cause, généralisée, — devenue, ainsi que l’écrira plus tard Louis Frémyn, « une cause toute publique, » une affaire « d’État. » Tels furent les arguments qui finirent par donner gain de cause a Bossuet, le 27 juin 1641, et qui firent de l’arrêt rendu en sa faveur plus qu’un précédent de jurisprudence, une sorte de proclamation de principes, dont, pas plus tard que l’année suivante (25 février 1642), le Parlement de Paris s’inspira dans un arrêt nouveau, rendu derechef, contre les prétentions du Chapitre de Metz, revenant à la charge en une affaire analogue[2].

Et en effet, c’était, ce Chapitre, le vrai vaincu, dans l’obscure personne d’Erric de Saintignon, débouté.

Mais maintenant, et c’est à quoi j’en veux arriver, pense-ton que ce Chapitre prit aisément et rapidement son parti de sa défaite ? Ce serait mal connaître et l’âpreté des luttes

  1. Et encore : « Saint Bernard dit que le mépris des prêtres de son temps ne venait que de l’usurpation du pape Eugène sur les libertés de l’Église gallicane. » Tolle usurpationem, invenies nostram utlramontanam ecclesiam fortem in fide, pacificam in unitate, devotam in obedientia. Ainsi il ne faut point alléguer en ce rencontre la toute-puissance du Pape. S’il était véritable que le Pape peut déroger a tous les conciles, il faudrait bannir la liberté de l’Église de France et reconnaître que sa puissance ne recevant point de bornes, il ne nous reste que l’obéissance. » Décisions de plusieurs notables questions traitées à l’audience du Parlement de Metz séant à Tout, par Messire Louis Fremyn… conseiller du Roi en ses Conseils et son premier avocat général audit Parlement. Toul. 1644.
  2. Voir l’ouvrage cité ci-dessus, p. 11-19. « Depuis, — dit Frémyn, — pareille difficulté s’étant présentée au Parlement de Paris pour raison de l’aumônerie de l’Église cathédrale de Metz, dont la connaissance avait été renvoyée audit Parlement de Paris… le pourvu par mort de ladite aumônerie a été maintenu contre celui qui avait été pourvu par coadjutorie. Et le Chapitre de Metz s’étant pourvu au Conseil du Roy pour faire casser tant l’arrêt de Metz que celui de Paris, les parties ont été mises hors de cause et de procès. Et ainsi les coadjutories sont absolument éteintes. » (Jugement du Parlement de Paris, du 25 février 1642.) Cf. Emmery, Recueil des arrêts du Parlement de Metz. I. 508 et suivantes.