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Bossuet, le petit président à la Cour des Aides du Quercy, est à présent Bossuet de Villers, « Bossuet le Riche ; » il est « partisan, » « fermier, » secrétaire du Conseil d’État et ami de Fouquet. Le frère de Jacques-Bénigne est employé chez ce gros homme d’affaires. Familiers l’un et l’autre du salon de Mme Bossuet, leur tante, il en résulte, probablement pour les deux frères, l’accès à la cour du Surintendant ; et pour le jeune abbé tout au moins, l’entrée chez la mère de Fouquet, « femme d’œuvres, » sainte et puissante, que toutes les gazettes charitables du temps nomment aussi souvent que la duchesse d’Aiguillon ou que Marie Lumagne. Par la même voie encore, peut-être, il fréquente la marquise de Sénecey, plus tard gouvernante du jeune roi et de « Monsieur, » ainsi que la comtesse de Fleix, sa fille. Celles-là sont de grandes dames, bien en cour, « en belles places, » toutes deux « bonnes amies » d’Anne d’Autriche…

Quant aux gens de lettres, — qu’il frôle aux mêmes lieux, et aux hôtels de Nevers et de Vendôme, — ne donnons pas sans doute dans le travers de ces biographes qui, jaloux de revendiquer pour Bossuet tous les triomphés, veulent que le grand homme en puissance, apparemment déjà visible et deviné, ait eu pour admirateurs et patrons, dès ses premiers pas dans la vie, tous les génies du siècle. Abstenons-nous de donner cette ampleur au succès de « prêchoterie » salonnière qu’il remporta un soir devant eux, et qui, sans le jeu de mots de Voiture, ne serait pas plus entré dans l’histoire que ceux qu’obtenaient, devant les mêmes cénacles, d’autres petits prodiges : par exemple, son compagnon d’études et émule, l’abbé de Rancé. Il paraît sûr cependant, qu’il fut apprécié par Mgr Cospeau, dominicain évêque, théologien orateur, et vers ce temps conseiller d’Anne d’Autriche ; — par Mgr Godeau, bel esprit converti, de poète léger promu poète lyrique, académicien, et par surcroit membre de la Compagnie du Saint Sacrement ; — par tout ce groupe de lettrés religieux qui, sur les traces de Guez de Balzac, de Senault, de. Chapelain, de Conrart, réalisaient avec gravité la fusion de la culture antique avec l’esprit chrétien.

J’ai nommé la secrète « Compagnie » pieuse que les malveillants nommaient alors la « Cabale des Dévots, » et dont les vues furent d’une si belle hardiesse, l’activité si