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plâtre sculptés par une imagination qui semble ne s’épuiser jamais ; des plafonds, tantôt arrondis en dôme, tantôt en forme de carène, tantôt creusés de grottes d’où descendent des stalactites d’or, d’azur, de vermillon, tantôt plats, traversés de cent poutrelles menues, toujours jonchés de mille fleurs, merveilleux parterres aériens, qui ne connaissent pas de saison, et placés là-haut tout exprès pour distraire une rêverie sans pensée étendue sur un coussin.

Il y a une cour de dimension royale, avec deux ou trois jets d’eau ; et d’autres plus petites avec une seule vasque de marbre ; et d’autres entourées d’une arcade en forme de cloître, sous laquelle s’ouvrent les hautes portes peintes et les petits volets minutieusement enluminés ; et d’aul.res recouvertes d’un toit, qui ne reçoivent de lumière que par de minuscules verres de couleur enchâssés dans une dentelle de stuc, et où les yeux habitués à la grande clarté du dehors sont un moment à reconnaître le jet d’eau, les portes peintes, tout le mystère précieux qui se cache ici loin du jour.

Il y a des jardins qui ressemblent non pas aux jardins de chez nous, mais à d’énormes caisses d’orangers enfoncées dans le sol, en contre-bas d’allées brillantes, toutes pavées de mosaïques, de rosacés et de fleurs d’émail. De ces parterres profonds jaillissent avec les orangers, couverts en ce moment de leurs fleurs et de leurs fruits, les cédrats qui laissent pendre des lanternes jaune citron, des cyprès qui s’élancent deux ou trois fois plus haut que les petits toits verts qui entourent ces jardins, des bananiers, des lilas du Japon, les cassies aux houppettes d’or parfumées, des daturas, des géraniums, un fouillis de plantes rustiques dans lu plus complet désordre, comme si le jardinier avait dit à ces arbres et à ces fleurs : « Voici l’espace que je vous ai donné. Pas une herbe ne poussera hors des quatre carrés au-dessous des allées brillantes, réservées aux zelliges qui sont vos sœurs d’émail ; mais là où vous êtes chez vous, croissez à votre fantaisie : je vous abandonne à Dieu… »

Et tout cela embaume, et tout cela verdoie et brille, les fruits des arbres, les fleurs des parterres, les rosaces des allées, les bouquets des portes peintes un peu fanés par le soleil et dont les ors s’écaillent, les tuiles vertes des toits, et les mille couleurs qu’on voit luire dans la pénombre des chambres et,