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LE FRONT DE L’ATLAS

LSÉJOUR Á MARRAKECH


II.[1]


I. — LE PALAIS DE BA AHMED

Très loin de la forêt de cèdres, dans un palais, dont je suis le seul hôte, avec les pigeons qui roucoulent sur les toits de tuiles vertes et s’abattent dans les cours dallées de marbre, autour des vasques, pour y boire… Comment suis-je arrivé ici, dans cette demeure de féerie, par-delà l’étonnant pays lunaire aux milliers de cratères éteints ? En automobile sans doute : ou plutôt, j’ai dû m’asseoir sur le tapis magique qui, dans les histoires arabes, abolit les distances et transporte par miracle aux pays les plus charmants… Me voici devenu sultan, pacha, que sais-je ? Béros d’une aventure merveilleuse, le maître d’un domaine enchanté.

La grâce, la fantaisie, le hasard semblent avoir été les seuls architectes de ce lieu. C’est un dédale, une suite tout à fait désordonnée de cours de marbre et de jardins, autour desquels s’ouvrent des chambres d’un luxe céleste, angélique, avec de hautes portes qui montent jusqu’au toit, toutes peintes de fleurs, d’étoiles, d’arabesques ; des mosaïques dont les couleurs semblent briller sous de l’eau qui ruisselle ; des bandeaux de

  1. Voyez la Revue du 1er avril.