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l’Ouest, les Allemands sentant la menace franco-britannique, alarmés de ce qu’ils pressentaient de notre plan, refusèrent la bataille. Après avoir ravagé notre terre et scié nos arbres fruitiers, ils évacuèrent le saillant de Noyon pour se replier au loin sur un autre système de positions puissamment organisées, la ligne Hindenburg.

Néanmoins, le 16 avril, l’armée française, assistée dans un autre secteur par l’armée britannique, les attaqua sur un large front, de Soissons à Auberive. Le 17 avril et les jours suivants, nos troupes reprirent avec leur ardeur coutumière des opérations destinées à poursuivre la conquête du Massif de Moronvilliers et du Chemin des Dames. Elles y réussirent partiellement, puis en restèrent là.

En présence des faits de politique interalliée, très emmêlés. et très obscurs, qui précédèrent et accompagnèrent ces actions, et constatant que l’on pourrait compter sur les doigts d’une seule main les Français qui sont à l’heure présente assez informés de ces événements pour les démêler et pour en juger, nous dirons seulement de la bataille du 16 avril le peu que nous en savons, et c’est ce qu’en disent d’une même voix les cinq cent mille soldats qui en furent les acteurs ou les témoins : à savoir que notre plan d’action, pour autant que les exécutants l’ont connu, avait envisagé comme possible la rupture du front allemand et une large exploitation de cette rupture ; que jamais nos troupes ne s’étaient présentées à l’ennemi plus fièrement ni soulevées par plus d’espoir ; que jamais elles ne combattirent avec plus de bravoure ; qu’à tort ou à raison les résultats obtenus les déçurent ; et que, dès le 17 avril, cette déception fut générale et très profonde.

Des espions, des traîtres, tous les briseurs d’énergie saisirent l’instant. Ils soulevèrent dans plusieurs de nos corps de troupe des mouvements d’indiscipline, et la crise eût entraîné peut-être les pires malheurs, si le général Pétain n’avait déployé à l’encontre toute sa fermeté, et, mieux encore, toute son humanité, « les vertus qui furent celles du maréchal Fabert. » Nos Règlements récents, ceux qui furent rédigés au cours de cette guerre, s’ouvrent tous par quelques pages très belles, intitulées : Conseils à un jeune officier. On y lit : « La troupe est le reflet de son chef… Commander, c’est s’appliquer à connaître atout instant les sentiments de ses hommes ; c’est les aimer,