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range, après un savant virage, devant le perron de l’hôtel Trianon. Le président du Conseil descend de voiture, très alerte, plus juvénile que jamais. On entend la voix du lieutenant qui commande la compagnie du 26e bataillon de chasseurs à pied, rangée dans la cour, face à la porte d’entrée, pour rendre les honneurs : « Présentez armes ! » M. Clemenceau, très pressé, se dérobe à la poursuite d’une nuée de reporters-photographes qui essaient de braquer sur lui toute une batterie de kodaks. Il se dirige tout droit vers la salle de la séance, respectueusement salué par les officiers de service. On sent qu’il a hâte d’en finir. Son allure fait comprendre qu’il a réuni la Conférence pour une séance de travail et non point pour une cérémonie d’apparat. Pareillement, les plénipotentiaires alliés arrivent, avec une ponctualité militaire, à l’heure indiquée, dans des autos conduites par des soldats. On reconnaît, on salue, on acclame au passage le Président des États-Unis, que le colonel House a précédé de quelques instants. La compagnie d’honneur présente les armes à toutes les délégations, que le directeur du protocole et le préfet de Seine-et-Oise reçoivent au haut du perron.

Voici M. Pachitch, le doyen des plénipotentiaires alliés, vieillard à longue barbe blanche ; M. Vénizélos, souriant et silencieux, avec ses deux collaborateurs, M. Polilis, M. Romanos, Parisiens d’Athènes et Athéniens de Paris ; M. Orlando, affable et cordial, visiblement heureux d’être revenu parmi nous ; M. Lloyd George, resplendissant de bonne santé ; sir Robert Borden, vers qui s’empressent les officiers d’état-major du corps canadien ; M. Bratiano, vigoureux et jeune ; M. Balfour, figure robuste et pensive de Cette écossais ; M. White, grave et doux ; M. Pichon, M. Cambon, M. Klotz, M. Tar-dieu, dont les traits nous sont familiers. Le maréchal Foch, très acclamé, passe en revue, rapidement, les chasseurs de la compagnie d’honneur et serre la main de l’officier qui les commande, un glorieuse mutilé de la guerre, le lieutenant Pietri. La Belgique, le Japon, le Siam, le Brésil, la République tchéco-slovaque ont arboré leurs couleurs nationales aux autos de leurs plénipotentiaires. Un fanion de pourpre, écussonné d’un aigle blanc aux ailes éployées, annonce le président Paderewski, la Pologne ressuscitée… Il est 2 h. 20. Les Allemands sont convoqués pour trois heures.

La salle du Congrès est vaste, largement éclairée, toute blanche. La lumière du ciel bleu entre à flots par les hautes baies vitrées. De sorte que les limites de ces quatre murs sont prolongées par les lignes d’un paysage où l’ingénieux arrangement des parterres, des