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qu’il m’offrait de fort bonne grâce, du reste, je me suis contenté de répondre que nous courions au plus pressé…

Le soir, le général Mesple[1] et moi avons été invités à dîner chez le général commandant le 22e C. A. W… Tout en étant simple, ce dîner avait son chic anglais et son confortable… La conversation a roulé sur le général Foch… Quant à la fin de la guerre, ils estiment que les Boches seront knockout au printemps prochain (sic), quand les Américains seront en ligne…

En attendant, le but de notre steeple-chase était de nous amener dans la région des Monts. Les plaines de Flandre ont quelques verrues qui émergent brusquement du sol, avec un commandement de 60 ou 80 mètres… Au point de vue militaire, la position de ces pitons à une importance capitale, surtout pour la défense des côtes. Nous allons donc concourir à l’organisation et à la défense des Monts. Sera-ce le rocher où va déferler et se briser la vague allemande ? Je le crois, je l’espère, mais ce sera dur, très dur. Ces animaux ont des divisions à revendre : il en rapplique de tous les côtés et, si notre compte est exact, il y en aurait encore une soixantaine à détruire…

16 avril. — Nous avons trouvé sur les pentes Est et Sud des Monts une masse d’Anglais grouillant de tous côtés, mais c’est plutôt une cohue qu’une troupe organisée : des états-majors de division sans brigades, des brigades sans régiments, des régiments sans brigades ; une chatte n’y retrouverait pas ses petits.

Notre artillerie est en batterie sur les Monts : aujourd’hui 3 200 coups, — formidable ! Comme nous sommes loin des tirs de 1914 ! A Rozelieures, le groupe avait tiré 600 coups, mais cela semblait un maximum. A Ypres, nous tirions dans les 700 à 900 coups, un jour 1 200 ; mais nous n’en touchions guère que 600 à 700 par jour-nous courions à une catastrophe. Les temps sont bien changés ; nous tirons cinq fois plus, les munitions arrivent en masse.

En même temps que nous, arrivent les 133e et 28e divisions (françaises). C’est un appoint déjà sérieux, mais le Boche aussi est en nombre : on signale trois divisions fraîches débarquées hier à Armentières, dont le Corps alpin, corps d’élite. Il faut donc s’attendre à un effort du Boche. Depuis deux jours, ses progrès sont minces ; pourtant hier il a pris Neuve-Église et Bailleul.

Il s’agit d’étouffer dans l’œuf cette attaque que nous pressentons ; notre artillerie, ainsi que l’artillerie britannique, fait des tirs de concentration préventifs sur tous les couverts, toutes les haies, les bois et malheureusement aussi sur les villages…

17 avril. — Nuit agitée. Obus à gaz.

  1. Commandant la 6e division du 2me Corps de cavalerie.