Page:Revue des Deux Mondes - 1919 - tome 51.djvu/647

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

C’étaient des divisions, à peine grossies en route de renforts expédiés d’Angleterre à la hâte, peu homogènes encore, et qu’on envoyait se refaire dans des secteurs calmes. Au centre, dans le secteur immédiatement au sud d’Armentières, vers le village de Bois-Grenier, se trouvaient insérées des troupes portugaises, fatiguées par un long séjour aux tranchées et d’ailleurs mal instruites de la guerre moderne. Elles allaient être relevées par une division anglaise. C’est sur elles que porta l’attaque. Un de ces brouillards d’ouate, comme il s’en élève le matin dans ces régions imprégnées d’eau, et qui ne laissent paraître que les têtes des saules, les cimes des peupliers, les faites des maisons flottant sur une mer de vapeurs blanchâtres, dissimula l’ennemi ; les assaillants parvinrent inaperçus à quatre mètres des mitrailleuses. La surprise fut complète. Les-Anglais, comptant peu sur la force de cette partie du front, avaient préparé, pour le cas où elle serait enfoncée, des bretelles destinées à limiter latéralement l’irruption de l’ennemi et à la coincer sur les flancs. La brèche s’ouvrit si vite que les bretelles ne purent être occupées à temps. La 51e division britannique qui se trouvait au repos, arrivant de la Somme, à huit kilomètres à l’arrière, fut attaquée, surprise dans ses cantonnements par les avant-gardes allemandes à dix heures du matin, moins de deux heures après le début de la bataille. Dans la soirée, l’armée Quasi, partie de la ligne Richebourg-I’Avoué-Neuve-Chapelle-Fauquissart-Bois-Grenier, venait border le cours de la Lawe et atteignait la Lys d’Estaires à Bac-saint-Maur. Le front fut emporté comme une toile d’araignée.

Les Allemands ont publié le récit de la manœuvre. Tout se passa, dans cette journée du 9 et la suivante, comme dans un assaut de boxe où l’ennemi jouerait successivement des deux poings.

Le poing gauche, c’était l’armée Quasi. Elle formait cinq colonnes, que le chroniqueur allemand compare effectivement aux cinq doigts de la main. La colonne la plus faible, figurant le petit doigt, devait simplement faire flanc-garde au Sud-Ouest, du côté de Givenchy. Les trois doigts principaux s’avancent en éventail ; ce sont, du Sud au Nord, le corps Kraevel, qui reste accroché par sa gauche devant Festubert, le corps Bernhardi, marchant sur La Couture et Richebourg-Saint-Vaast, enfin le corps Carlowitz, marchant sur Laventie en direction