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condamné à demeurer le spectateur éternel, sans avoir le droit d’y prendre part. » Des gens de cet acabit ne sont pas précisément du bois dont on fait les pacifistes, à moins que ce soient des pacifistes militants, au sens nullement figuré du terme. Joignez qu’il n’y a pas d’Américains plus patriotes. Tout n’est pas galéjade dans, la prière que l’on prête à la vieille Irlandaise qui, chaque soir, remerciait Dieu d’avoir créé l’Amérique pour le compte des Irlandais. Ils savent ce qu’ils lui doivent, à cette Amérique rédemptrice, et n’aspirent qu’à le lui prouver. C’est le cœur en fête qu’ils courraient se battre pour elle, si seulement se battre pour elle ce n’était pas aussi se battre pour l’Angleterre.

— Ah ! l’Angleterre ! Elle est, en vérité, leur bête noire, la malédiction de leurs jours et le cauchemar de leurs nuits. Ils la poursuivent d’une exécration historique, la plus inexpiable de toutes, parce qu’elle s’obstine à rendre les générations présentes responsables des crimes passés. Cette exécration, les politiciens de l’Irlande ne manquent naturellement pas de l’aiguiser et de l’exploiter. Dès 1914, Roger Casement traversait la mer pour démontrer à ses congénères transatlantiques que le salut de la verte Erin était indissolublement lié à la victoire de la sombre Allemagne. Puis, ç’a été la propagande enflammée des apôtres du Sinn Fein, d’autant plus dangereuse qu’elle avait pour elle l’auréole du martyre attachée aux victimes de la Pâque Sanglante. Le hasard veut que les États-Unis scellent leur pacte de solidarité avec les Puissances de l’Entente, — et donc avec l’Angleterre, — justement la même semaine où, l’an dernier, les fusils anglais tiraient sur les insurgés de Dublin. Les Irlando-Américains modérés se sont bornés à signaler la coïncidence ; les autres en ont profité pour organiser à New-York, dans Carnegie Hall, une cérémonie commémorative de la révolte dublinoise, qui s’est terminée par l’envoi au Président Wilson d’une pétition ainsi conçue :

« En juillet 1775, le Congrès continental d’Amérique adoptait une adresse au peuple irlandais, dans laquelle il était dit : « Nous sommes vivement désireux de nous concilier la bonne opinion des citoyens qui font profession de vertu et d’humanité. Aussi tenons-nous à vous renseigner sincèrement sur les motifs auxquels nous obéissons, afin de vous mettre à même d’apprécier en pleine connaissance de cause et en toute