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champs d’entonnoirs la lutte sauvage, nos soldats avaient manié, outre les grenades fusantes, d’autres grenades encore, suffocantes et lacrymogènes, et d’autres, incendiaires et fumigènes. Progressivement, on apprit à choisir entre les modèles trop nombreux, pour ne garder que les meilleurs ; et surtout on dota nos troupes, — à partir de juin 1916, — de la grenade VB (Viven-Bessière), grenade fusante, sans tige, dont le corps, cylindrique, en fonte, se tire avec la cartouche à balle au moyen d’un tromblon fixé au canon du fusil ; engin propre à fournir de redoutables tirs de barrage ou d’usure.

Une autre arme fut mise en service dans le même temps, le fusil-mitrailleur, plus puissant que le fusil, plus léger que la mitrailleuse, que le soldat peut tirer soit couché, soit tout en marchant à l’allure de la troupe d’assaut. Le fusil-mitrailleur dispose d’un approvisionnement normal de dix chargeurs, contenant chacun vingt cartouches ; il peut tirer soit coup par coup, soit par rafales de cinq à six cartouches, soit sans interruption en cas de crise, et atteindre alors le débit de cent quarante coups à la minute.

Dans le même temps encore, notre infanterie commençait à être dotée d’un canon propre à l’accompagner dans toutes les circonstances du combat, le canon de 37, facile à régler, précis, rapide, et dont la portée utile est de 1 500 mètres. Son obus produit des effets comparables à ceux d’une grenade, mais d’une grenade qui pourrait traverser, avant d’éclater, soit deux ou trois rangées de sacs à terre, soit un blindage de bois, soit une plaque d’acier.

A l’exemple des Anglais, on venait de créer, pour exercer la troupe au maniement de ces engins, des écoles. Bientôt elles fourniront on nombre les grenadiers d’élite, ceux qui sont capables de lancer dix grenades par minute à 30 ou 40 mètres, avec un écart de 2 ou 3 mètres au plus ; et les grenadiers-voltigeurs qui peuvent former devant eux, à une distance de 80 à 150 mètres, un fort barrage de grenades VB, etc. Malheureusement, trop peu de nos soldats avaient pu encore fréquenter ces écoles, quand s’ouvrit la bataille de la Somme.

Car enfin, c’est encore presque la même misère qu’en 1915 : nos soldats ne peuvent guère s’instruire que dans la tranchée ou au combat, par des procédés d’un tragique empirisme. Nos troupes n’ont plus, à vrai dire, 850 kilomètres de front à défendre :