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l’Amérique ! Nous sommes de toutes les races, mais nous n’en formons dorénavant qu’une : la libre race américaine. Tout ce qu’il est en notre pouvoir d’accomplir, au nom de l’honneur et de la justice, il faut que nous l’accomplissions jusqu’au bout, pour la confusion de nos ennemis et l’ennoblissement de notre drapeau. Le Christ est ressuscité. Il a triomphé de l’iniquité et de la tombe. Ayons les yeux fixés sur le ciel où il trône dans sa gloire et puisons à nouveau dans l’histoire de sa Passion et de son Triomphe la plus grande, la plus inspiratrice des leçons, à savoir : que le mal est infailliblement vaincu par le courage qui a sa source dans la foi, que la mort n’épouvante pas le vrai chrétien, et que les richesses passagères de ce monde ne sont rien en comparaison des choses qui durent à jamais. Là-dessus, assez parlé ! Aux actes ! Que Dieu garde l’Amérique et la bénisse ! »

Il était difficile de lancer avec plus d’énergie le coup de clairon du ralliement. Mais je ne vois pas que l’intrépide exemple de l’archevêque de l Bston ait provoqué des imitateurs. Ni le cardinal Gibbons, ni le cardinal Farley n’ont ouvert la bouche. A New-York, où vingt-cinq mille personnes se pressaient à l’office de Pâques, sous les voûtes aériennes de la cathédrale de Saint-Patrick, le prédicateur s’est renfermé dans des considérations doctrinales, sans se permettre une allusion aux événements capitaux dont Washington vient d’être le théâtre.

Il est manifeste que, dans l’ensemble, le haut clergé catholique se tient sur la réserve. Nul doute, d’ailleurs, qu’il ne se trouve dans une situation plutôt délicate. Son troupeau spirituel est, comme lui-même, composé, en presque totalité, soit de descendants d’Allemands, soit de descendants d’Irlandais. Comment persuader les premiers de se retourner du jour au lendemain contre le berceau de leurs pères ? Et le problème est peut-être encore plus ardu pour ce qui regarde les seconds. Non que la guerre ait en soi rien qui leur répugne. Tant s’en faut. Des Irlandais ont beau s’américaniser, ils ne renoncent point pour cela aux instincts combatifs de leur race. Frais débarqués de leur île, ils commencent, dit-on, par s’enrôler dans la police afin d’avoir de temps à autre quelqu’un sur qui taper, et l’on cite cette réponse de l’un d’eux à qui l’on demandait sa conception de l’Enfer : « Une mêlée dont je serais