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VII. — PREMIERS ECHOS

Une semaine, — la Semaine Sainte, doublement sainte, — s’est écoulée depuis le message du 2 avril. Quels échos a-t-il durant cet intervalle éveillés dans le pays ? Le premier témoignage que j’en recueille m’arrive d’une femme qui passe à juste titre pour une des plus représentatives de son sexe en Amérique. Alors que je n’avais qu’un bien faible espoir d’être admis à la session du Congrès, j’avais prié Mme Miller, dont la place y était marquée d’avance, de me communiquer ses impressions. Je viens de recevoir sa lettre. Après avoir esquissé l’attitude du Président et caractérisé « la dignité de sa parole, d’autant plus dramatique qu’elle excluait plus sévèrement tout artifice oratoire, » Mme Miller écrit, en ce qui la concerne :

« Pour moi, ce fut un grand, douloureux, terrible moment. Je me retraçais en imagination la brillante carrière parcourue par l’Amérique dans l’espace de ces dix ou quinze dernières années, je me peignais la prospérité de son peuple, sa vie facile, exempte de souci, et je songeais : C’en est fait de ces temps heureux ! Devant nous, je ne voyais que brouillards ténèbres, et la plongée dans l’inconnu. Je me demandais s’il était à ce point conforme aux véritables intérêts de l’humanité que nous épousions, nous aussi, la guerre comme une rançon nécessaire du droit, ou s’il n’eut pas été plus avantageux pour le monde qu’il demeurât du moins un asile intact au milieu de l’univers en feu. La question ne se pose plus. Aujourd’hui que nous nous sommes jetés à notre tour dans la fournaise, nous devons être convaincus que nous agissons pour le mieux. Mais ce n’est pas ainsi que l’on pacifiera le globe : il n’est pas au pouvoir de la force d’enfanter la paix. »

Ces lignes trahissent évidemment plus de tristesse que d’enthousiasme. Et, si tel est le sentiment d’une Américaine de l’Est, fine, distinguée, amie passionnée de la France, comme Mme Miller, on devine quel doit être celui d’une Américaine de l’Ouest, professant, avec les préjugés anti-européens, les idées sociales et politiques de miss Jeannette Rankin. A la séance de vendredi, où la Chambre a voté la guerre, la « Dame du Montana, » invitée à se prononcer par oui ou par non, a fondu en larmes, puis s’est écriée :